Son souffle
s'est suspendu,
un instant, une éternité
dans le cœur duveteux
d'un nuage gris.
C'était hier
c'était dimanche
elle était et ne sera plus.
Envolées les 90 années
dans sa maison, sa rue, son Borny
disparue la présence vivace
de cette Lorraine fidèle.
Sa maison,
du raisin pour le vin paternel
son histoire
où les Messins endimanchés
fréquentaient la guinguette proche.
Son village
à l'heure allemande
où le maire choisit
les familles à "virer".
Le train,
sa grand-mère malade
le voyage vers la Dordogne
son père à Toulouse.
Trouver à manger, se loger,
la Dordogne était pauvre.
Elle pédalait
pédalait, à ses 16 ans
sur les chemins creux.
Au retour,
la maison dépouillée
les objets chez les voisins,
le vélo à nouveau,
travailler dans un garage
au milieu d'hommes
L'accident,
l'opération, l'année
couchée dans son lit,
le corset ...
Elle grandissait Lucie
Un jour, après,
Robert est venu
l'a épousée.
Ouvrier, il travaillait
dans les usines actives,
La vallée de la Fensch,
désamiantant les installations.
La mort de la mère,
la naissance de Vincent
Toujours présent,
le grand père aimait l'enfant.
Et le maire
vendit le village
à l'affamée messine.
Bradant ses terres,
Du blé, des pâtures ;
une baguette technologique
les changeant en immeubles serrés
en boîtes à ouvriers,
puis à migrants.
Modernisme effréné,
l'enfant grandissait.
Elle, affairée,
conduisait le foyer
droit comme un sillon de blé.
Les maisons serrées
entre Cora, Buffalo Grill,
Jardiland,
Terres transformées
en technopole, ZAC Sébastopol.
Robert se mourait,
l'amiante le minait.
Elle l'aimait
le pleura.
Elle se courbait
les ans passèrent,
et peu à peu,
son champ rétrécit.
Elle souffrait
Ses petits enfants devenaient grands
Son fils a pris quelques rides .
Et avec ténacité,
elle maintenait le cap
85 ans, 90
et un AVC la sortit
de la maison natale.
Les jours d'été
se sont effeuillés
Elle était toute fragile
Elle m'a regardé
longuement de ses yeux
où brillait fortement
son âme.
Elle était ma voisine
depuis 20 ans
Et je l'aimais.
Paix à son âme.