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Photos, poésie, extraits de livre
promenade photographique du 16 au 30 septembre 2019
saison des champignons
La paix du monde sauvage (Wendel Berry)
La paix du monde sauvage
Quand le désespoir pour le monde monte en moi
et que je m'éveille la nuit au moindre bruit
en craignant ce qui peut arriver à ma vie, à celle de mes enfants,
je vais m'étendre là où le canard des bois
repose en sa beauté sur l'eau, là où le grand héron va se nourrir.
J'entre dans la paix du monde sauvage
qui n'accable pas sa vie du poids de la douleur
à venir. J'entre dans la présence de l'eau immobile.
Et je sens au-dessus de moi, aveugles de jour, les astres
attendant de dispenser leur lumière. Un instant
je repose dans la grâce du monde et je suis libre.
Wendel Berry
Nul lieu
n'est meilleur que le monde
promenade automnale
maisons d'Alsace
nulle part de bestiaire sans flore (Sylvain TESSON - Notre Dame de Paris)
Il n'y a nulle part de bestiaire sans flore. Pas moins dans les cathédrales qu'ailleurs. A Saint Sulpice, un arbre a grandi sur l'encorbellement sud du premier parapet. A Saint Louis en l'Ïle, un buisson a réussi à prospérer à la base de la flèche. Ici et là, des graines apportées par les courants ou dans le tourbillon du vol des pigeons (reconnaissons-leur le mérite de féconder les pierres) sont parvenues à se développer dans la rainure d'une gargouille ou sur le rebord d'une façade, poussées sur une mince couche de terre elle-même déposée grain à grain par des vents très patients. Une promenade attentive dans la ville permet de ne pas désespérer de l'avenir des plantes.
Des signes prouvent qu'elle n'ont pas capitulé devant le goudron. De minuscules tiges en crèvent ici et là la croûte. Certaines germent dans les égouts et montent, rectilignes, à la verticale des plaques de fonte pour chercher la lumière dans le trou de serrure qui laisse passer le jour. D'autres tapissent le fond de minuscules cavités dans les meulières de soutènement des quais (aux Tournelles par exemple). Des lichens rampent sur le calcaire des pierres de taille accélérant l'arénisation de la pierre. Des lierres commencent à cascader des ponts métalliques. Des simples poussent à la base des façades d'immeubles, à l'angle qu'ils dessinent avec les trottoirs comme si elles voulaient les soulever par effet de levier. Et le comble, c'est que personne n'y prend garde. On se fout des herbes folles. Jamais un regard accordé aux frémissements du végétal. Pourtant, on devait prendre garde.
Ces présences à peine visibles attendent peut-être leur heure. Il est possible qu'elles occupent le terrain avant le grand assaut et qu'un jour elles déchaînent leurs forces pour reconquérir la ville qui les a spoliées du ciel. Le raz de marée de sève engloutira alors les habitations. Et le prochain règne sera végétal.
Sylvain TESSON
Notre-Dame de PAris
Ô reine de douleur
Jeudi en poésie avec Jill Bill
Jeudi en poésie avec Jill Bill - thème : le faussaire
Jeannot Després dit "le faussaire"
Sur le banc, assis, au bord du Lac Léman,
l'homme âgé se fond dans le paysage.
Vert - bleu - blanc, du bateau, de la neige.
Il regarde ses mains de travailleur manuel.
Taches rousses et ocres s'y accrochent.
Loin, avant, sa peinture des déesses et des Alpes
dédaignée par les salons bégueules, Jeannot
- fils de Léon et Agathe, épiciers aux 3 épis -
a claqué les portes de l'Art Contemporain.
Ses mains, d'or et d'âme, ont appelé les pinceaux
Inlassablement à reproduire les œuvres des géants.
Il vendait, offrait, peignait, vendait, offrait, peignait.
Des toiles prirent vie, reflétant l'âme du possesseur.
Huiles qui dégoulinent, oiseaux ou rai solaire.
Les toiles prirent la respiration du monde.
L'homme âgé se lève et dans l'or du crépuscule
retourne à l'ouvrage, au sourire de St Jean Baptiste.
Aérienne, duveteuse, une brume légère l'enveloppe.
Agab (10/2019)
promenade photographique du 1er au 15 septembre 2019
Défi 225 avec Jill Bill
Pour le lundi/défi du 14 octobre
le capitaine JILL BILL nous propose de vendre ce chouette tableau, en héritage, digne d’Halloween !
« Soit à votre richissime patron collectionneur, Soit sur un vide-grenier, Soit à une galerie d’art, Soit dans une célèbre émission télévisée sur A2… » A inclure dans votre écrit le verbe emberlucoter !
EMBERLUCOTER : (Familier) (Désuet) S’entêter d’une idée ;s’attacher aveuglément à une opinion.
Dans une maison aux volets bleus, chat à la fenêtre et potée de chrysanthèmes jaunes devant le vieux puits, Amanda s'interroge encore une fois, vendre ou ne pas vendre cet horreur de tableau offert par un jeune voisin s'expatriant à Vancouver. Il est une heure où en été, elle partirait se promener, 17 heures, et là en automne finissant, jour de pluie, éviter d'aller sur internet, facebook, youtube et whatsapp. Elle est toute emberlucoter de se dire que moins de technologie et plus de promenades la rendront moins technodroguée.
Prendre son crayon et préparer une annonce à afficher chez sa libraire.
"Vends tableau représentant une Mona Lisa déglinguée. Toile réalisée en 1989 par l'artiste Jeannot Després."
Elle raye déglinguée, remplace par morbide, puis remet déglinguée. Elle écoute l'opus 100 de Schubert, et regarde le tableau. Est-ce bien raisonnable de vendre ce cadeau ?
Elle relit l'annonce "Vends ou offre tableau représentant une Mona Lisa déglinguée. Toile réalisée en 1989 par Jeannot Després. Me téléphoner au 03 87 67 78 77"
Donner une heure d'appel, ou indiquer laisser message sur le répondeur. Jamais elle n'a été bonne vendeuse, et soupire. Pourtant en regardant une nouvelle fois, la toile ................. elle fronce les sourcils, la toile semble un peu différente, plus colorée, moins comment dire repoussante.
Peut être une illusion d'optique avec la lumière douce des bougies ! Il était sympathique ce voisin, il n'hésitait pas à tailler ses haies et aussi à faire un partenaire pour jouer au scrabble. L'annonce est maintenant rédigée : "Vends ou offre tableau représentant une Mona Lisa déglinguée. Toile réalisée en 1989 par Jeannot Després. Laisser message sur mon répondeur au 06 18 77 99 24". Et ce sera à la librairie du cabaret des oiseaux et pas sur le Bon Coin.
Rien qu'un peu de lumière dans son séjour et le chat miaule, souhaiter manger. Amanda plie sa feuille et s'en va dans la cuisine.
Et là, dans l'intimité du séjour, la Mona déglinguée, voit sa peau recouvrir ses dents, son sourire satisfait éclore, quelques minutes avant de s'amenuiser, s'amenuiser, pour enfin s'arrondir, se spiraler, n'attendant pour s'échapper que l'instant où la femme aux fines lunettes ouvrira la fenêtre pour fermer ses volets bleus. Un expert en étrange, y verrait un extraterrestre venu espionner les Terriens, un rêveur un faisan aux couleurs dorés rejoignant sa forêt. Mais au fait qui est Jeannot Després ?