Défi des croqueurs de mots : Vocalise de Rachmaninov
Aujourd’hui pour ce défi notre amie Lilousoleil nous demande d’ouvrir nos oreilles…
Le morceau s’appelle « VOCALISE » composé par un certain Rachmaninov
Vous êtes inspirés par la musique, par le titre, par le compositeur ou encore par l’interprète.
Vos textes sont à poster pour le 01 juin
Et n’oubliez pas les jeudis poésie le 27 mai et le 4 juin poèmes libres
Et maintenant musique maestro
Première version
http://www.youtube.com/watch?v=R5IiC1kAdzM piano Emil Gilels
deuxième version
http://www.youtube.com/watch?v=5ZIQ2pHaJ1I Natalie Dessay
Comme bien souvent, Mona aimait à s’allonger sur le canapé. Elle se laissait porter par la musique. Comment se faisait-il qu’elle appréciait particulièrement les musiques mélancoliques ? Celles qui remuent l’âme et vous font sentir plus vulnérables. Celles qui remuent vos gouttes de sang, les faisant vibrer une à une dans l’incroyable réseau filaire.
Mona écoutait radio classique aujourd’hui. Le ciel était doux, quelques nuages blancs, coton, transporteurs d’âmes calmaient les esprits humains. Et la musique, Vocalise de Rachmaninov s’imprégnait partout, dans son petit salon beige. Toufou dormait à ses pieds, Léonard, au garage, préparait sa moto pour une sortie « dans le vent ».
La voix s’élevait pure, créant un espace dans le temps … Toufou ne s’aperçut même pas de la disparition de Mona. Pas seulement dans une rêverie, mais entièrement, pieds nus, mollets, lentement, précisément, ventre, seins, mains, bras, cou et tête se dématérialisaient, s’effaçaient.
La montée fut lente, douce. Sans à coup, comme transportée dans les bras généreux d’un dieu ? d’un ange ? Mickaël, Raphaël ? Elle ne bougeait pas, seule une odeur printanière, marguerite, feuille de menthe et seringa mêlés, la prenait toute entière.
Monter, pour décrire une ascension qui n’en était pas une .. car ascension dit effort, dit visible élévation, là elle ressentait un calme de son cœur, doux, doux, lent.
Personne n’était présent pour l’accueillir, aucune vision, aucune nuée, juste la sensation d’être touchée, embrassée, caressée, un son cristallin d’une voix enfantine dans le lointain. Elle qui aimait voir, regarder, admirer, une coccinelle au dos d’une feuille, une fleurette embrassant une voisine, une cerise près de rougir, sa vue n’était plus.
L’instant, le temps, l’ère … impossible de calculer, s’était dissous. L’amour l’entourait. Chaud, bruissant, consolateur. La voix de sa grand-mère peut être, celle de Béatrice aussi, dont le rire jouait avec celui de l’enfant … et en fond, tout en fond, résonnait un hymne doux et vivifiant : « aime, aime, aime, aime », sur tous les tons, en dehors et en elle. La musique l’enroulait.
…
Mona ouvrit les yeux, la musique avait fondu, elle était seule, mélancolique, mélancoliquement heureuse, d’une mélancolie appelant l’amour toujours, espérant surtout. Elle mit ses chaussons roses, caressa le chien et prit son casque … rouler avec Léonard dans le vent.