Ohé, Ohé Matelots, Matelots navigueront sur les flots des péchés capitaux pour ce défi N° 151
des croqueurs de mots :
Lundi : 5 octobre 2015
Écrire avec pour thème un, plusieurs ou ces 7 péchés capitaux
Péché capital : la luxure
Je ne l’ai jamais confié à personne. Un soir de juin, derrière les volets entr’ouverts de ma chambre, un soir de juin tiède et doux, un diablotin noir, encre, est apparu, furtivement, tendrement, coquinement, me saluant d’un geste amical. J’avais 8 ans ou presque. Et nous sommes devenus amis.
S’il ne se présentait pas souvent, ni régulièrement, il était quand même présent. Je me souviens du jour où papa revint avec une mignonne statuette d’un de ses voyages en Russie, la réplique de mon ami, un rien exagéré, une grande queue s’enroulant semblable au lierre et des pieds crochus (pieds de crocodile ou de lézard ?). Alors que lui, était à peine différent de moi, noir bien sûr, et surtout plus drôle et amusant.
Et il y eut cette nuit où il souhaita dormir avec les décors de Noël, pour tout vous dire avec les moutons de la crèche. Simplement, juste avant, il était venu avec un petit sac entouré d’un friselis doré. « C’est pour toi, m’avait-il dit. Chez mon père, le feu dévore tout, pas de fleur, pas de joli oiseau roucoulant, juste ceci pris dans le coffre émaillé. » Il était adorable mon ami ; en ouvrant le cadeau, une belle jeune femme s’en dégagea, habillée de rouge vénitien, aux lourdes tresses dorées, à la poitrine généreuse.
« Je suis Agrippine, souveraine de la luxure, prodigue et voluptueuse. Les hommes seront à toi, ils ne rêveront que de tes caresses ou de tes coups de fouet. Ils boiront à ton corps comme à une source vive qui jamais ne les désaltèrera complètement. Ils se battront entre eux, ils se disputeront ton lit, et chaque minute sera jouissance exacerbée. »
Agrippine, belle et belle, sérieuse, son corps sentant l’ambre. Je regardais mon ami, un peu dépitée… lui aussi. Qu’allais-je faire de ce cadeau ? Je réfléchissais car je ne voulais pas exprimer mon désappointement sans le peiner.
Bref, j’étais dubitative quand derrière la majestueuse femme, se révéla une jeune demoiselle à peine plus âgée que moi, à la peau sombre comme l’aimée dans le cantique des cantiques, cheveux frisottés, robe soie piquetée de pâquerettes.
« Voici ma sœur, Agapè, l’amour, disait Agrippine. Tout ce qui est de trop, elle l’enlève, le cisaille, le jette aux orties. Alors volettent les baisers légers, les échanges papillons, la joie des rencontres, je suis, tu es, nous sommes. Proches, aimants, tous et tout ensemble, ballet d’amour. »
Ma décision fut prise, Agapè, l’amour, je choisis comme compagne et à Agrippine, je demandai sa poitrine généreuse. Elle m’avait présentée sa sœur et je souhaitais la remercier.
C’est ainsi que diablotin dort entouré de ses moutons et moi suis accompagnée de l’amie Agapè.
J’oubliais de vous raconter l’histoire du diablotin. Il est le fils du diable et d’une madame ange au doux sourire, comme l’on voit à la cathédrale de Reims, aimée de Dieu. Elle supplia même pour obtenir que l’enfant accompagne le père dans les ténèbres. Peut-être que …