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Photos, poésie, extraits de livre
l'infiniment grand
L'infiniment grand est contenu dans l'infiniment petit, c'est évident. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute.
Tenez, par exemple, en ce moment, alors que je suis en train d'écrire, on peut observer sur cette table une configuration planétaire, voire même le cosmos dans son ensemble. Thermomètre, pièce de monnaie, cuillere en aluminium, bol en faïence. Clés, téléphone portable, papier, stylo.
Et un cheveu gris aussi, le mien, dont les atomes gardent en eux la mémoire de l'apparition de la vie, de la catastrophe cosmique qui fut à l'origine de la naissance du monde.
Olga Tokarczuk
Sur les ossements des morts
La romancière polonaise Olga Tokarczuk
Olga Tokarczuk |
La romancière polonaise Olga Tokarczuk (29/01/1962) vient de recevoir le prix Nobel de littérature 2018 pour « une imagination narrative qui, avec une passion encyclopédique, représente le franchissement des frontières comme forme de vie ». Dans son discours de réception, intitulé « Le tendre narrateur », prononcé à l’Académie suédoise à Stockholm le 7 décembre 2019 1, elle décrivait la tendresse comme « un partage du destin : conscient, quoique peut-être un peu mélancolique ». Elle ajoute : « La tendresse est une considération profonde de l’autre, de sa fragilité, de sa singularité, de son incapacité à résister à la souffrance et à l’effet du temps. La tendresse révèle les liens, les similitudes et les identités qui existent entre nous. Elle est ce mode de regard qui permet de voir le monde comme un objet vif, vivant, interconnecté, coopérant et interdépendant. La littérature est bâtie sur cette tendresse envers tous êtres autres que nous qui nous entourent. » Pour Olga Tokarczuk, engagée politiquement à gauche, écologiste et végétarienne, la tendresse est spontanée et désintéressée, et constitue le mécanisme psychologique de base du roman.
livres traduits en Français Dieu, le temps, les hommes et les anges Les Pérégrins Sur les ossements des morts Les enfants verts Les livres de Jakob Récits ultimes Une âme égarée
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bien mis sur l'édredon
Bien mis sur l'édredon
Corps et queue allongés
Le chat vit son matin.
Premiers pas au dehors
du lit - chaleur - livre
polonais - replié les lunettes.
L'autre félin gras
à souhait me tire
vers la gamelle vide.
Aurais-je la ténacité
de chanter l'écrivaine
la nature et Blake ?
Le soleil se rince
dans une frange nuageuse
Le bleu aussi. Traces de givre.
Agab
(janvier 2020)
l'alouette, sur son lit de terre, - William Blake
L’alouette, sur son lit de terre, dès que le matin point
Ecoute en silence ; puis, s’élançant du champ de blé qui ondule, à pleine voix
Conduit le chœur du jour : son trille éperdu
Montant sur les ailes de la lumière dans le vaste espace
Retentit en écho dans l’adorable azur et la brillante sphère des cieux.
Sa gorge étroite lutte avec l’inspiration ; toutes les plumes
De sa gorge, de sa poitrine, de ses ailes vibrent du souffle divin.
Toute la nature l’écoute en silence, et l’auguste soleil
S’arrête sur les monts, laissant tomber un petit oiseau
Un regard de douce humilité, d’émerveillement, d’amour et de respect.
Alors, à pleine voix, de leurs verts bosquets tous les oiseaux entonnent leur chant :
Grive, linot, chardonneret, rouge-gorge et roitelet
Eveillent le soleil de son doux songe sur les monts.
Le rossignol de nouveau module son chant, et, tout le jour
Comme toute la nuit, épanche de son inépuisable gazouillement, tous les oiseaux chanteurs
Ecoutant attentifs ses accents éclatants, avec admiration et amour.
Traduit de l’anglais par Madeleine. L Cazamian
In, « William Blake, Poems/poèmes »
Sur les ossements des morts (Olga Tokarczuk)
"Un Cheval qu'on fouette en Chemin
Réclame au Ciel du sang humain."
William Blake
C'est pourtant simple, l'homme a un énorme devoir à accomplir envers les animaux : les aider à vivre leur vie jusqu'au bout ; quant aux espèces apprivoisées, il doit leur procurer amour et tendresse, car les bêtes nous donnent bien plus qu'elles ne reçoivent de nous.
Il est impossible qu'elles puissent vivre leur vie dignement, qu'elles ne se mettent en règle avec leur milieu naturel et valident leur semestre dans le registre karmique : "J'ai été un animal, j'ai vécu et mangé ; je suis allée sur les pâturages verts, j'ai mis bas, et j'ai réchauffé mes petits de mon corps ; j'ai construit des nids, j'ai fait ce qui était de mon devoir."
Quand on tue des animaux et qu'ils meurent dans la peur et la terreur, comme ce sanglier dont le corps s'étalait hier à mes pieds, et qui d'ailleurs doit s'y trouver toujours, avili, couvert de boue et de sang séché, transformé en charogne, alors on les condamne à aller en enfer, et le monde entier devient l'enfer.
Est-ce que les gens ne le voient pas ? Est-ce que leur esprit est capable de dépasser leurs petits plaisirs égoïstes ? Le devoir que nous avons envers les animaux, c'est de les mener - à travers leur vies successives - vers leur libération. Nous allons tous vers cette même direction, de la dépendance à la liberté, du rituel au libre arbitre.
Olga Tokarczuk
Sur les ossements des morts
Depuis toujours le chant (Gérard BOCHOLIER)
La montagne est trop haute
Les nuées trop limpides
Pour quoi sommes-nous faits
Dans la vallée profonde
Le chemin nous échappe
Le cœur est notre guide
Si loin déjà d'ici
Dans son ordre invisible
Gérard BOCHOLIER
Depuis toujours le chant
Âme ! être, c'est aimer (Victor Hugo) - jeudi en poésie (230) avec les croqueurs de mots
Âme ! être, c'est aimer.
Il est.
C'est l'être extrême.
Dieu, c'est le jour sans borne et sans fin qui dit : j'aime.
Lui, l'incommensurable, il n'a point de compas ;
Il ne se venge pas, il ne pardonne pas ;
Son baiser éternel ignore la morsure ;
Et quand on dit : justice, on suppose mesure.
Il n'est point juste ; il est. Qui n'est que juste est peu.
La justice, c'est vous, humanité ; mais Dieu
Est la bonté. Dieu, branche où tout oiseau se pose !
Dieu, c'est la flamme aimante au fond de toute chose.
Oh ! tous sont appelés et tous seront élus.
Père, il songe au méchant pour l'aimer un peu plus.
Vivants, Dieu, pénétrant en vous, chasse le vice.
L'infini qui dans l'homme entre, devient justice,
La justice n'étant que le rapport secret
De ce que l'homme fait à ce que Dieu ferait.
Bonté, c'est la lueur qui dore tous les faîtes ;
Et, pour parler toujours, hommes, comme vous faites,
Vous qui ne pouvez voir que la forme et le lieu,
Justice est le profil de la face de Dieu.
Vous voyez un côté, vous ne voyez pas l'autre.
Le bon, c'est le martyr ; le juste n'est qu'apôtre ;
Et votre infirmité, c'est que votre raison
De l'horizon humain conclut l'autre horizon.
Limités, vous prenez Dieu pour l'autre hémisphère.
Mais lui, l'être absolu, qu'est-ce qu'il pourrait faire
D'un rapport ? L'innombrable est-il fait pour chiffrer ?
Non, tout dans sa bonté calme vient s'engouffrer.
On ne sait où l'on vole, on ne sait où l'on tombe,
On nomme cela mort, néant, ténèbres, tombe,
Et, sage, fou, riant, pleurant, tremblant, moqueur,
On s'abîme éperdu dans cet immense cœur !
Dans cet azur sans fond la clémence étoilée
Elle-même s'efface, étant d'ombre mêlée !
L'être pardonné garde un souvenir secret,
Et n'ose aller trop haut ; le pardon semblerait
Reproche à la prière, et Dieu veut qu'elle approche ;
N'étant jamais tristesse, il n'est jamais reproche,
Enfants. Et maintenant, croyez si vous voulez !
Victor HUGO