premier extrait de l'article paru sur psychologie de février 2016
à l'occasion de la sortie du livre : 3 amis en quête de sagesse
(Matthieu Ricard, Alexandre Jollien et Christophe André)
.. Cette dictature de l’actualité nous fait regarder les étincelles et jamais parler de la prévention des feux. On ne voit pas, par exemple, que les jeunes enrôlés par Daech n’ont pas toujours rêvé de couper des têtes. Pourquoi en sont-ils arrivés là ?
La sagesse, c’est de comprendre les causes et les conditions de la souffrance, et pas seulement celles d’aujourd’hui. Si l’on veut éviter que cela continue, il faut aller aux racines du mal, dans le domaine de l’éducation notamment. C’est pour cela qu’il faut cultiver l’altruisme.
Vous écrivez qu’il faut en arriver à aimer même son ennemi … Ne pensez-vous pas que c’est une des limites de l’empathie ?
En anglais, ça marche mieux : love et like sont deux notions différentes. En français, le même mot nous fait confondre aimer et apprécier. On pense que l’amour, c’est seulement éprouver des sentiments pour ceux auxquels on est attachés.
La bienveillance, c’est souhaiter apporter le bonheur aux autres. La compassion vise à remédier aux causes de la souffrance quelles qu’elles soient. C’est ce que signifie « aimer son ennemi ».
Cela veut dire, par exemple, souhaiter que la haine, l’indifférence, la cruauté, le vice de Bachar Al-Assad disparaissent de son esprit tout en contrecarrant au mieux ses actions barbares. Ce n’est pas être négligent ni tolérant vis-à-vis du mal. C’est simplement dire que des êtres humains sont tombés dans une aberration. Ces personnes « ont » la haine, comme on « a » un cancer. Le malade ne vient pas voir le médecin en disant : « Docteur, je suis le cancer. » Un médecin confronté à un fou violent ne va pas se saisir d’un bâton pour le réduire en charpie ! il va faire le nécessaire pour le maîtriser, puis pour le soigner. Il faut faire cela avec Bachar Al-Assad. L’empêcher de nuire et, ensuite, si on peut, le soigner. C’est cela la compassion.