Le problème de Marthe (Adrien CANDIARD - à Philémon)
Chemin faisant, Jésus entra dans un village. Une femme nommée Marthe le reçut.Elle avait une sœur appelée Marie qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Quant à Marthe, elle était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissé faire seule le service ? Dis-lui donc de m’aider. » Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses.Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. » évangile de Luc
Le problème de Marthe n'est pas qu'elle était à la cuisine au lieu d'être au salon ; c'est qu'à la cuisine, elle s'occupait de cuisine sans chercher le Christ. C'est que l'on peut cuisiner de deux manières bien différentes : on peut cuisiner pour réussir le plat, ou pour faire plaisir aux invités ; ce n'est pas sans lien, puisque pour faire plaisir aux invités, en général, il faut réussir le plat, mais l'état d'esprit est, il me semble, très différent.
Dans un cas, vous préparez de la nourriture, et dans l'autre vous fabriquez de la communion. Ce n'est pas tout à fait la même chose. Il y a du plaisir à réussir un œuf poché sans le casser, il y a du plaisir à goûter une sauce particulièrement réussie, mais c'est un plaisir bien différent que de passer son après-midi tout occupé des gens qu'on aime et pour qui on travaille. Cuisiner peut être un plaisir ou un fardeau, mais ce peut être aussi un acte d'amour.
Si Marthe ne l'avait pas oublié, elle aurait choisi, elle aussi, la meilleure. Elle aurait découvert que ce qu'elle prenait pour un effort méritant une récompense, c'était déjà la récompense elle-même ; que la vie chrétienne, ce n'est pas s'épuiser à mériter un jour la vie éternelle, le Royaume de Dieu, mais c'est recevoir cette vie et ce Royaume qui nous sont déjà donnés ; que la vie chrétienne, ce n'est pas autre chose que la vie éternelle, la vie avec Dieu déjà commencée.
C'est que pour parodier une antique formule, pour peu que nous l'ayons laissé entrer, Dieu est aussi dans la cuisine.
Adrien CANDIARD
A Philémon
Réflexions sur la liberté chrétienne