• Défi numéro 150 des croqueurs de mots avec Jill Bill à la barre

     


     

    vieillirensemble

     


     

     

    Ils étaient deux ... car n'a-t-on jamais vu trois amants ou quatre ou cinq se promenant bras dessus, bras dessous  ... ils étaient deux, un homme, une femme ... des amants bien ordinaires qui ne s'étaient pas séparés à 25 ans après quelques nuits chaudes, pas un couple qui en 1965 décida de faire leur vie à part, lui se trouvant un nouvel amour, plus sérieux, plus portant la culotte, elle vivant avec l'amant qui se cachait derrière le placard aux chaussures, l'enfant confié à une nourrice.

    Ils étaient deux ... ensemble, ils avaient 20 ans, non pas 20 ans, je fais la roue, je cours le 100 m en 12 secondes, je porte ma dulcinée dans mes bras jusqu'au lit nuptial. Non 20 ans, dans l'amour profond, l'amour joie, l'amour partage. Ils avaient vécu plusieurs 20 ans ensemble... les 20 ans avec les enfants, Pierrette, Josette, Armand et Jeanne, marmots aimés, cours préparatoire et CAP menuisier, 20 ans les petits-enfants, bulles de bonheur, Bernard, Martine, Annick, Bernadette et Nicolas avec Super Mario et Nitendo. Là ils vivaient les 20 ans, débarrassés des envies du temps, des projets de maison. Le jour présent était toujours le meilleur.

    Ils étaient deux ... et en les suivant, je pensais à Robert et Mathilda dont les souvenirs-papillons s'évadaient chaque jour, Robert le doux, le bon, le protecteur, je me rappelais de Gert et Zilda, dont les habits étaient ceux de leurs 20 ans en 1968, à Charline et Marcel qui venait de changer de contrée, rejoignant le ciel bleu ou le chariot de Cassiopée, laissant de la peine chez son aimée.

    Et moi et lui, sur le chemin piqueté d'étoiles, piqueté de chardons, fêterons jeudi nos 32 ans de vie partagée, encore quelques années et nous, vieux amants, donnerons envie d'aimer à de jeunes hommes et femmes. 

     


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  • défi 148 proposé par les croqueurs de mots

    On l'a rimé, on l'a chanté sur tous les rythmes et tous les tons, à toutes les époques...

    C'est l'océan, la mer, le grand bleu...

    Choisissez votre océan ou votre mer et rendez-lui hommage...

     


     

    Guillemette et le capitaine

     

    Guillemette était une petite fille rousse. Son sourire était lumineux. Sur le bateau de son oncle, elle trépignait de joie. Pour la première fois, il avait accepté de l’emmener avec lui. Ensemble, ils naviguaient vers Tamatave pour charger vanille et épices.

    L’enfant admirait Baptiste, 47 ans, crâne rasé, boucles d’or aux oreilles. Quatre boucles rondes et larges, lourdes aussi. Ne lui avait-il pas confié qu’en mer, il se sentait toujours aimé. La boucle à son oreille droite, lui rappelait son épouse, Marie-Bleue. Les trois à celle de gauche, placées en bon ordre, l’une près de l’autre représentaient ses enfants, Suzanna, Lucien et Neptune.

    Guillemette se penchait et regardait les vagues éclabousser la coque. Le soleil se levait et se couchait, s’étirant, largement, baillant d’or et de lave sauf quand la pluie jouait un oratorio, un opéra ou une légère sonate.

    Quelquefois, l’envie lui prenait de sauter dans l’ami-bleu, puissant et un rien viril et de se laisser aller comme la baleine blanche aperçue l’avant-veille, va et vient puissant dans l’onde maîtresse.

    Il lui arrivait de s’endormir à la belle étoile. Son oncle l’emportait, toute légère, plume au vent,  dans sa couchette.

    Baptiste était débordant d’histoires. De nombreux tatouages, fermement dessinés, selon une architecture mathématique, étaient chacun, une expérience, une morale, un conte.

    Un crâne sur le bras droit et un deuxième . « Ah, confiait-il, celui-là vient de Macao. Le tatoueur le lui avait conseillé pour éloigner les démons, tu sais fillette, protecteur comme les gargouilles des cathédrales. Le deuxième, parce qu’à 2, ils forment une belle équipe… »

    « Sache qu’ainsi, jamais, je n’ai plus eu de voleurs à mes trousses, d’accidents sur le bateau. Au fond, ce sont mes anges ! » Et il clignait de l’œil et ils éclataient de rire, la poussette et le grand homme.

    Les vagues s’enroulaient, les oiseaux à tire d’aile les dépassaient. Tamatave approchait.

    Guillemette allait reprendre le chemin de la maison, se promettant de tout raconter à Pépita, sa chatte-doudou.

    Quand elle serait grande, elle écumerait les mers. Promis ! juré !


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  • défi 148 proposé par les croqueurs de mots

    On l'a rimé, on l'a chanté sur tous les rythmes et tous les tons, à toutes les époques...

    C'est l'océan, la mer, le grand bleu...

    Choisissez votre océan ou votre mer et rendez-lui hommage...

     


     

    Onoïo et le poisson

    Onoïo était un petit garçon tout pareil à un escargot. Il aimait sa maison, fort, fort. Il se mouvait, sans à coup, sans vitesse folle, harmonieusement.

     Son papa et sa maman n’arrivaient pas à choisir un endroit pour leurs prochaines vacances. Le père rêvait de mer, la mère pépiait torrent. Ils auraient pu se disputer, s’affirmer, s’imposer. Non, ils demandèrent simplement à leur enfant de donner son avis, son souhait.

    Onoïo était un petit garçon aimant, droit et pur. Il les regarda tous deux, légèrement, un regard de gazelle, et émit son vœu :

    « la mer, les poissons et … la mer ! »

    C’était étonnant, pour un enfant des plaines, amoureux des monts roulant sous les nuages floconneux, gris souris.

    Puis, la famille se mit en route avec voiture coccinelle et caravane. Ils roulèrent, roulèrent… Onoïo dormait, Onoïo jouait à combien de voitures jaunes nous dépassent, Onoïo chantait.

    Il était assez grand pour compter les cailloux, les voitures et trop petit pour mener un navire…

    o-O-o

    La plage s’étendait à leurs pieds, des rochers pointaient. Son papa avait dit : « on dirait la Grèce ».

    D’ailleurs ses parents, oublieux de tout  (sauf de lui), captaient la chaleur du sable, le vent écharpe de soie et se laissaient dorloter par l’astre solaire.

    L’eau clapotait, l’enfant calme, regardait ses pieds et les minuscules poissons, s’agitant, dansant autour de lui. Il était bon d’être là. Le bleu de l’eau se confondait avec le ciel, tels des amis se tendant la main.

    Il se laissait aller au bien-être quand il vit un drôle de museau pointu le fixer.

    Et plouf, un saut de traverse, et plaf, l’enfant était aspergé. Il ne craignait rien, son regard se posait, petit rai de soleil. Le poisson avait reconnu l’ange dans l’enfant. Sans parole, ni rime, ni chanson, le poisson, un marbré, montrait sa joie de vivre, sa joie de se mouvoir dans la mer.

    Entre eux  deux, une communication, un échange s’établit, un message d’amour.

    La grande bleue ou verte ou azur liait les deux êtres d’un pacte fort.

    Et l’oiseau, un cormoran,  arriva, battant des ailes, plongeant presque pour attraper sa proie.

    Alors, Onoïo, l’enfant escargot, tendit la main vers l’oiseau : « soyons amis, ce sera plus joli ».

    Le cormoran promit de manger moins de poissons, surtout pas ceux à rayures blanches. La danse reprit, Onoïo tapait dans les mains, Abélard, le poisson, nageait en accord avec les vagues, Spinozza, le cormoran tournait, montait et piquait.

    La mer couvrait ce petit monde chaleureux d’un drapé amoureux.


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  • défi 148 proposé par les croqueurs de mots

    On l'a rimé, on l'a chanté sur tous les rythmes et tous les tons, à toutes les époques...

    C'est l'océan, la mer, le grand bleu...

    Choisissez votre océan ou votre mer et rendez-lui hommage...


     

     

    Ondine et la mer

     

    Il était une fois, car c’est ainsi que commencent toutes les histoires, un héron, gris, blanc, fier et racé, qui s’abreuvait auprès d’un torrent.

    L’eau était pure, froide, rafraîchissante et avec son long bec, il buvait délicieusement, délicatement, posément. Les arbres autour le protégeaient des regards indiscrets. Le ciel se découpait à travers le feuillage,  et s’affirmait dans cette nature montagneuse. Rare qu’un héron soit monté si haut, mais l’impossible est toujours possible …

    L’eau courait, sautait de pierre en pierre, cela moussait, cela glissait, cela brillait. L’oiseau se mirait.

    Et dans la vasque d’un ovale parfait, une libellule bleue jouait avec les reflets de la lumière. Lorsque le héron vit … une ondine. D’habitude, les ondines ne se manifestent plus chez les hommes depuis qu’ils se croient les rois de la création. La belle, les ondines sont toujours belles, même si on ne devine pas bien leur visage, le vert de leur corps, qui fait penser à des émaux : couleurs brillantes, de jaune, de vert, de bleu, de céladon, se mélangeant et s’harmonisant sans cesse au gré des couleurs … se baignait, s’aspergeait d’eau et sa voix cristalline se mariait avec le chant d’une fauvette.

    Le héron, émerveillé  par la jeune demoiselle,  lui offrit son cœur, ses services, ses ailes … l’ondine battait des mains, riant, vif argent comme une truite … Je veux aller à la mer, je veux aller à la mer, maintenant, tout de suite …  C’était bien le vœu d’une enfant, immédiat et spontané.

    L’oiseau ouvrit au grand large ses ailes et la demoiselle se blottit contre lui, si légère, qu’il la sentait à peine. En volant au dessus des collines, des prairies et des villages, il tournait quelquefois sa tête pour s’assurer qu’elle était toujours bien là. Il leur fallut un peu de temps pour arriver, une ou deux nuits, près d’un rivage pour se délasser, manger, nager pour elle.

    Il fallait un endroit calme, un peu sauvage, un lieu que seuls les oiseaux connaissent, un bord de mer en Camargue. Plus on s’approchait, plus l’ondine écarquillait ses yeux en voyant au loin, d’abord très loin, la ligne bleue, sombre qui se mélangeait presque avec le ciel d’été, le ciel de Giono, le ciel de Van Gogh. Le héron ouvrait, fermait ses ailes, cherchant l’endroit où le vent le porterait au mieux, au plus vite.

    Et elle sauta d’un coup, explosant de rires, explosant de reflets multicolores. Elle allait, venait si vite, si rapidement, tel un guêpier d’Europe, tel un martin pêcheur ou l’oiseau bleu qu’ on la voyait à peine. Elle mit un pied puis l’autre dans l’eau qui venait, s’éloignait, la tournant, contournant … puis elle plongea…. Salée, la mer est salée, dit-elle … jamais une nymphe n’avait vu la mer … ses cheveux, si longs, la suivaient, l’entouraient.

    L’oiseau se mit à voler autour d’elle, il rayonnait, il croassait, fortement, bruyamment … et de tout au bout de la ligne d’horizon, des reflets gris, argentés, dansaient, s’approchaient… la surprise était pour son amie : les sirènes étaient venues la chercher pour lui faire admirer les fonds, les dauphins, lui apprendre à chanter aussi … et rencontrer le peuple de la mer.

    La vie était pleine de surprises, de jeux, de fou-rires et de siestes … d’ailleurs le grand Neptune aimait ses moments tranquilles où de ses narines, sortaient des bulles irisées … la vie était belle, et même le héron aimait lui rendre visite.

    Seulement, un jour, un jour où en bord de mer, elle vit une petite rivière se mêler à l’eau salée, une larme coula … toute fine .. toute ronde … l’ondine souhaitait revoir son torrent, ses proches, les cimes blanches, les saumons qui remontaient sa rivière … l’ondine souhaitait, le héron ouvrit ses ailes et ils s’envolèrent… les sirènes applaudirent, lui promettant d’aller la voir un jour.


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  • Je n'appelle, ni ne pleure, ni ne regrette rien,

    tout passe comme brume de pommiers en fleurs.

    Miné désormais par l'or de défloraison

    Je ne connaîtrai plus la jeunesse.

     

    Tu ne battras plus comme avant

    désormais, cœur transi,

    plus ne t'incitera à flâner pieds nus

    la terre du bouleau et du calicot.

     

    Esprit follet qui attisa mes lèvres

    comme tu te fais rare, rare aujourd'hui.

    Flots d'émotion, pétulance du regard,

    ô ma fraîcheur d'âme perdue.

     

    De désirs même je deviens avare.

    Ma vie ! Ou ne fut-ce qu'un songe ?

    Comme si par un bruissant matin de printemps

    j'eusse passé au galop sur un destrier rose.

     

    Tous en ce monde, tous sont périssables,

    lentement s'écoule le cuivre de l'érable...

    Béni sois-tu néanmoins dans les siècles

    toi qui es venu éclore et mourir.

     

    Sergueï Essenine

    1921


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