• Guillaume Ecart, ayant repassé la vie de Michel de L'Hospital *, comprit que la tolérance ne suffit pas. Que nous sommes tous des émigrants venus de races aussi lointaines que les diplodocus. Que les musulmans, les bouddhistes, les fétichistes qui vivent en des pays chrétients comprennent qu'ils sont des invités ; qu'ils doivent respecter les usages de leurs hôtes ; ne pas se comporter comme s'ils étaients dans leur patrie d'origine ; ne pas se rendre insupportables. Il faut que de leur côté, les chrétiens ne considèrent pas ces invités comme des inférieurs. Cela s'appelle le respect.

    Mais le respect ne suffit pas. Des liens de bon voisinage doivent se tisser entre les diverses communautés. On travaille ensemble, on s'amuse ensemble, on se fréquente. Dans le meilleur des cas, des mariages mixtes se concluent. Cela s'appelle l'amitié. Beaucoup de chemin reste à  faire. Si l'amour, selon Saint-Saint-Exupéry, consiste à regarder dans la même direction, l'amitié interraciale consiste à marcher l'un vers l'autre. 

    A Guillaume Ecart, le mot de racisme donnait des convulsions. A Saint-Pierre-et-Miquelon et ailleurs, il avait trouvé des amis arabes, juifs, africains. Et même, en naviguant autour de l'île de Beauté, des amis corses.

    Dans un très grand nombre de cas, les immigrés ne sont pas un problème, mais une solution. Ils accomplissent souvent les besognes auxquelles les Français de souche répugnent. 

    Quand les Celtes envahirent ce qui devait devenir la Gaulle et ne portait pas encore de nom connu, ils y trouvèrent des populations plus anciennes, les Ligures, les Ibères, qu'ils chassèrent ou reléguèrent dans les montagnes. Lesquels Ibéro-Ligures avaient fait de même à l'encontre des populations précédentes.

    On nous réplique : Et le chômage ? Les immigrés n'y sont pour rien. Quelle en est donc la cause réelle ? Nul ne le sait vraiment. Mais une chose est sûre : celui qui arriverait à la déterminer aurait de bonnes chances de faire fortune.

    Jean ANGLADE (né en 1915)

    Le grand dérangement (2015)

    * l'auvergnat Michel de L'Hospital a rédigé l'ordonnance d'Orléans (établissement d'une instruction gratuite pour les Français) et en 1566 l'ordonnance prescrivant les concours publics pour l’attribution des chaires dans les universités. Sa femme avait adopté la religion protestante, lui était catholique. Sa véritable religion fut la tolérance à une époque où le massacre des étrangers était considéré comme une oeuvre extrêmement agréable à Dieu. (résumé des mots de J. Anglade)


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  • Le dépoussiérage m'accaparait infiniment en ce temps là : doué en rien, je m'étais fait un devoir d'être au moins parfait dans un des domaines les plus communs au service d'une maison.

    La poussière m'était devenue une énigme : comment pouvait-elle ainsi s'accumuler, et dans les endroits les plus protégés ! C'était ma rivale de chaque instant, et même le vol précipité de ces particules dans un rayon de soleil me voyait battre le torchon.

    J'appris un jour par Matabei que la poussière blanche qui traversait les interstices des tuiles du grenier provenait de l'espace intersidéral. Ma stupeur n'était qu'un désir de comprendre ; j'étais vraiment bête comme un âne à l'époque. davantage même car l'âne, de France ou d'ailleurs, a l’intelligence qui lui convient. Mais j'avais bien envie qu'on m'instruise.

     

    Hubert HADDAD

    Le peintre d'éventail


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  • Je n'aime que les livres dont les pages sont imbibées de ciel bleu - de ce bleu qui a fait l'épreuve de la mort. Si mes phrases sourient c'est parce qu'elles sortent du noir. J'ai passé ma vie à luter contre la persuasive mélancolie. Mon sourire me coûte une fortune.

    Le bleu du ciel, c'est comme si une pièce d'or tombait de votre poche et qu'en l'écrivant je vous la rendais. Ce bleu en majesté dirait la fin définitve du désespoir et ferait monter les larmes aux yeux.

    Vous comprenez ?

     

    Christian BOBIN

    l'homme-joie


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  • J'imagine quelqu'un qui entre au paradis sans savoir que c'est le paradis. Il a des inquiétudes, des projets. Il est très occupé. Un bruit de fer, un cliquetis d'épées l'accompagne. C'est si banal la guerre.

    Et puis tout d'un coup il y a une lumière de neige sur un étang, et un oiseau aux ailes d'or fracasse les murailles du monde. C'est quelque chose d'inespéré. Quelques secondes suffisent, n'est-ce pas, pour vivre éternellement.

    "Nous sentons et nos éprouvons que nous sommes éternels" : cette pensée de Spinoza a la douceur d'un enfant endormi à l'arrière d'une voiture.

    Nous avons, vous et moi, un Roi-Soleil assis sur son trône rouge dans la grande salle de notre cœur. Et parfois, quelques secondes, ce roi, cet homme-joie, descend de son trône et fait quelques pas dans la rue. C'est aussi simple que ça.

     

    Christian BOBIN

    L'homme-joie


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  • L'étang fleurissait sous le ciel et le ciel se coiffait devant l'étang. L'oiseau aux ailes prophétiques enflammait la forêt. Pendant quelques secondes j'ai réussi à être vivant.

    J'ai conscience que cette lettre peut vous sembler foller. Elle ne l'est pas.

    Ce sont plutôt nos volontés qui sont folles.

    Je veux ici parler simplement de ce qu'on appelle une "belle journée", un "ciel bleu". Ces expressions désignent un mystère. Un couteau de lumière dont la lame fraîche nous ouvre le coeur.

    Nous sommes enfouis sous des milliers d'étoiles. Et parfois nous nous en apercevons, nous remuons la tête, oh juste quelques secondes. C'est ce que nous appelons du "beau temps". 

    Christian BOBIN

    L'homme-joie


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