• Boîte à outils pour une bienveillance inconditionnelle

     

    La bienveillance tient du don, de la gratuité : le véritable amour n'assène rien, ne nous enjoint à rien d'autre qu'à ce que nous sommes au fond du fond. Etre bienveillant, c'est bien sûr vouloir le bien de l'autre sans désirer le faire entrer dans le monde de mes à priori, de mes étiquettes, ne jamais mettre la main sur sa liberté, vénérer sa singularité, sa différence. En aucun cas, il ne s'agit d'imposer une vision du monde, une manière de vivre. Aider mon prochain, c'est s'extraire de mes projections, me donner carrément, me rendre totalement disponible sans juger ni rien exiger en retour.

    La bienveillance est subversive : il entre dans la bienveillance une sacrée dose de subversion, de rébellion même : tordre le cou à toute velléité de violence, de vengeance, de volonté d'emprise, d'autoritarisme, ne jamais laisser les passions tristes gouverner nos vies. Cette audace fondamentalement active, sagace, invente, sans cesse innover... sans jamais rien imposer. Elle prête l'oreille aux véritables attentes, aux profondes aspirations de chacun dans un accueil radical. Cette femme, cet homme que je rencontre ici et maintenant, de quoi a-t-il véritablement besoin ? Que désire-t-il au fond de son cœur ?

    Le karcher de l'amour : Chögyam Trungpa disait : "Dirt never comes first." La saleté, les traumatismes, les blessures, la brutalité, la méchanceté, l'hostilité ne sont jamais premiers dans un cœur. La bienveillance décape, elle passe gentiment au karcher de l'amour tout intrus, tout parasite qui ronge les êtres. Cultiver un cœur bienveillant, c'est trouver l'audace de voir plus loin que les souillures pour rejoindre inlassablement la bonté primordiale.

    La générosité procède d'une intelligence de cœur, d'un esprit de finesse, d'une légèreté : le Bouddha, quand il prodigue l'enseignement du sentier octuple, cette voie qui conduit à la liberté inconcevable, souligne l'importance et la valeur de l'action juste. Tendre la main, épauler un être appellent du tact, une délicatesse, un infini respect. Il ne s'agit pas de bricoler en matière de solidarité. Loin du paternalisme et de la condescendance - la bienveillance n'est pas l'affaire des lourdauds.

     

    Alexandre Jollien

     

    A nous la liberté

    Matthieu Ricard - Christophe André - Alexandre JOLLIEN 


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  • Jean est donc toujours dans un coin de Provence quand ses parents  viennent le trouver. A ce moment, beaucoup de gens croyaient qu'il n'y aurait pas la guerre et donc la mère et le beau-père avaient décidé de le faire marier avec cette jeune fille qu'il connaissait depuis l'âge de 16 ans. Donc cela arrive et ce qui devait arriver, trois mois après,  c'est la guerre et du midi départ pour l'Alsace sur le Rhin près de Saint-Louis jusqu'au jour de repli circonstancié pour aller se faire coincer près de Dannemarie (Haut-Rhin) et en prendre pour lui, pour deux ans dans un camp en Allemagne d'où il finit par s'évader en 1942 au mois d'août.

    Il arrive chez ses parents qui lui avaient écrit au sujet de sa femme. Elle avait fait comme malheureusement beaucoup d'autres des grosses bêtises. Lui qui venait de s'abrutir deux ans là-bas, sur le coup était d'accord pour le divorce....

    ... le divorce a été refusé, le juge estima que le ménage n'avait pu se former normalement. (10 jours ensemble en 3 ans de mariage avec la guerre). 

    ... Il trouve une place d'ajusteur dans une usine qui fabrique des arbres à cames. Il n'est pas trop mal vu mais il tombe malade, crise de sinusite et au bout d'un mois, il reçoit une convocation du S.T.O. (service du travail obligatoire) pour aller passer une visite pour voir si on peut le recruter. Il se renseigne auprès d'un gars de l'usine qu'il sait être de la résistance ; celui-ci lui apprend que la secrétaire a du le signaler comme réfractaire au travail. De là, il se rend chez son docteur et lui explique la situation. Celui-ci lui dit que si vous savez boiter, vous prendrez une cane et vous fournirez le certificat que je vous donne, ce sera bon. Il a donc boité et est sorti tous les jours avec une cane et le jour, où il s'est présenté, le certificat parlait de sciatique. Il a été sauvé du S.T.O. ; il valait mieux car s'il était passé en zone occupée, il aurait risqué de repartir en Allemagne. Par la suite, il se cacha dans un coin de campagne et à la Libération, il s'engagea pour trois mois comme gardien militaire dans un camp de prisonniers. 

    ...

     

    Jean ROSSILLOL

    extrait de sa biographie


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  • Défi 222 avec Asfree

     

    Capitaine Asfree  pour le défi du lundi, le dernier de la saison , propose : 

    Quelqu’un est sur le pas de sa porte, à votre avis que fait-il ?

     

    Sur le pas de sa porte, Roland se gratte la tête. Il ne sait pas quoi faire. Ce type venu remuer le passé, son passé, n'arrange rien ! 

    L'histoire commence le 6 juin 1944, Ouistreham, dans le ciel des parachutes, dans la rue des Anglais, des Allemands, du bruit et tous ces morts qui jonchent le sol. Il a 5 ans, pour lui, le sens de la guerre est incompréhensible, juste qu'aujourd'hui, sa mère, ses grands parents, sont aux fenêtres et parle des "boches" qui vont enfin payer pour ce qu'ils ont fait.

    Le 6 juin 1944, à Ouistreham, il est tout gamin, habillé d'un sarrau bleu, et il a ouvert la porte ; il est sorti pour retrouver Jean et Germain, jouer au ballon ; à 5 ans, la vie est normale que l'on soit en guerre ou pas et jouer est vital. Puis le ballon est perdu, dans la rue claquent des bruits d'armes, des mitraillettes et devant lui, deux morts, puis trois, et dix ; du sang, des armes à terres, des militaires et aussi des civils. Il se recroqueville dans un coin de la place, tout près d'un arbre, et un soldat se penche vers lui, le console et lui offre un pingouin en peluche, un tout petit pingouin grand comme ses mains. Déjà, il part plus loin, le laissant seul et fier de son nouvel ami.

    Aujourd'hui, 6 juin 1964, un homme a frappé à la porte, et Roland a ouvert. Peut être un représentant, un homme bien habillé, la quarantaine, venu vendre une encyclopédie. Seulement il n'a pas besoin d'une encyclopédie. L'homme se présente : "Aël Guillot" ; il hésite, il reste quelques secondes sans parler, regardant Roland . "Bonjour, j'étais dans le commando Kieffer, j'ai débarqué à Ouistreham en 1944 et j'ai appris par Monsieur le Fauconnier, maire de Ouistreham, que vous étiez le jeune  enfant à qui j'ai offert une peluche !".

    Derrière, Roland, arrive sa femme, s'essuie les mains sur son tablier et dit :"Entrez, Monsieur, entrez, vous boirez bien un café !". Les deux hommes sont intimidés et Lucie, petite abeille vive, tire une chaise, pousse un bouquet de fleurs, sourit et fait tout pour mettre à l'aise les deux hommes. Elle apporte un morceau de tarte à la rhubarbe. Et Aël reprend son histoire, toute son histoire, infirmier il était dans ce groupe, un grand jour où les décisions se prennent seul, dans l'instant, beaucoup de camarades morts, et des blessés, la peur que cela tourne mal, la joie de fouler le sol de la France et le souvenir de ce petit enfant, dans son sarrau bleu, de ses larmes. Lui offrir son fétiche, celui remis par tante Lisette avant son départ  de la maison en 42, il a 17 ans tout juste pour rejoindre le Général à Londres. 

    Les mots s'écoulent, torrent puis rivière, son regard est perdu dans le passé. Et soudain, il s'arrête : "Et vous, Roland, vous souvenez-vous ? Avez-vous encore le petit pingouin ? ". Le jeune homme ouvre sa bouche, un peu comme un poisson. Dire que l'on a encore un petit pingouin à 25 ans, qu'on l'a conservé, ce confident, cet ami dans les joies et les tristesses, pas facile pour un homme. Finalement, il se lève et va dans une pièce adjacente, revient tenant dans ses mains, une boîte ronde, bleue. Dedans, la peluche est couchée, bien un peu vieillie, les couleurs ternies, même du tissu utilisé pour ravauder les ailes. Et Germain de confier que sa maman est décédée peu de temps après la fin de la guerre ; elle avait marché sur une des nombreuses bombes laissées là. Tous ont eu beaucoup de chagrin et Dédé, son pingouin aussi ... 

    La boîte bleue est déposée sur la table, Aël remercie, dit qu'il va prendre congé. Les deux hommes se serrent la main, fortement, longuement. Il tend à Germain, sa carte de visite : "J'aimerais vous revoir, vous et votre épouse, je serai à Cabourg tout le mois d'août avec ma famille ".

    Sur le pas de sa porte, Roland se gratte la tête. Il tergiverse sur l'attitude à prendre. Lucie le prend par la main, elle ne se pose pas de questions. "Voyons Roland, nous irons à Cabourg avec Maurice, nous irons leur rendre visite."

    La porte se referme ; plus loin un homme sifflote, il est heureux. Il reverra Roland et sa petite famille. Il a vu beaucoup de livres chez l'homme, des romans, des livres de poésie. En son for intérieur, il songe à ce petit garçon qu'il n'a jamais eu, il songe à cet homme, peut être s'entendront-ils et voudra-t-il travailler avec lui dans sa maison d'édition ? 

    Note :

    A la radio, hier, un homme racontait son histoire de soldat, le débarquement comme infirmier, le petit enfant, le pingouin, puis la rencontre ... dans cette histoire l'homme a rencontré une jeune femme grâce à une émission de France Inter dans les années 60. Je l'ai senti déçu, il était presque muet, il était si certain que l'enfant était un garçon. J'ai voulu lui offrir une autre rencontre. Si vous souhaitez en savoir davantage sur lui, il s'appelait Gwen Aël Bolloré. 

     

     

     

     

     

     


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  • Boîte à outils pour une bienveillance inconditionnelle

     

    Efforçons nous d'élargir sans cesse le cercle de notre bienveillance afin d'y inclure le plus grand nombre d'êtres possible. Souhaitons que le jour vienne où aucun être ne sera exclu de notre cœur.

    La bienveillance inconditionnelle n'est pas hors d'atteinte : tous les êtres désirent éviter la souffrance et parvenir au bonheur. Pour que cette aspiration bienveillante s'étende de fait à tous les êtres, il suffit de souhaiter sincèrement qu'elle s'accomplisse.

    La bienveillance en action : simultanément, accroissons peu à peu la mise en oeuvre de cette bienveillance au travers de nos paroles et de nos actes.

     

    Matthieu Ricard

     

    A nous la liberté !

    Matthieu Ricard - Alexandre Jollien - Christophe André

     

    pensée de la semaine (10/06/19) - Matthieu Ricard

    L'égocentrisme, qui nous touche tous à différents degrés, nous empêche d'éprouver envers les autres de l'amour et de la compassion. Or, pour être vraiment heureux, il faut avoir l'esprit pacifié, et la paix de l'esprit ne s'installe en soi que par le biais de l'amour altruiste. Bien sûr, pour cultiver la compassion il ne suffit pas de croire à ses bienfaits ni de s'extasier sur la beauté de ce sentiment. Il faut faire des efforts et profiter de toutes les circonstances quotidiennes pour modifier nos pensées et notre comportement.

    Extrait résumé et adapté de Les Voies spirituelles du bonheur, Presses du Châtelet, Paris, 2002; Points Sagesse, Seuil, 2004.

    FOURTEENTH DALAI LAMA, TENZIN GYATSO (B. 1936)


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