Frédéric LENOIR : Ce qui est assez français : on n'est jamais contents...
Thierry JANSSEN : C'est un fait.
Et en tant que francophone vivant en Belgique, cela m'interpelle beaucoup. Un tiers de ma famille est français, je voyage beaucoup en France mais aussi en Suisse, au Québec. Et je constate qu'il règne en France beaucoup de négativité et même un climat dépressif. Or la dépression naît souvent d'un sentiment d'impuissance et d'une forme de résignation.
Je ne retrouve pas cela en Belgique, en Suisse et au Québec. Pourtant la situation économique de ces pays n'est pas vraiment meilleure, le niveau de vie y est équivalent, la culture assez semblable. Mais la façon de penser n'est pas la même. Peut-être parce que l'inconscient collectif n'attend pas la même chose.
Il y a quelques années j'ai été intrigué de découvrir que la Déclaration des droits de l'homme française promet que l'Etat créera le bonheur des citoyens. Alors que la Déclaration d'indépendance américaine, qui est antérieure de quelques années, promet que l'Etat mettra en place les conditions qui permettront à chaque citoyen de créer son propre bonheur... Le message est très différent.
Il semble que, plus que n'importe quel autre peuple, le peuple français attend beaucoup d'une autorité extérieure qui, après avoir été incarnée par la personne du roi, est à présent remplacée par l'Etat - un Etat paternaliste face auquel les citoyens sont déresponsabilisés et, du coup, passent leur temps à se plaindre quand "papa" n'a pas répondu à leurs attentes. Cela engendre beaucoup de frustration et de souffrance. J'ai le sentiment que l'inconscient collectif des Français devrait évoluer vers plus de responsabilité, moins de discours, plus d'action, moins de revendications, plus de propositions.
Loin de moi de dire qu'individuellement les Français ont tous un rapport assez infantile à l'autorité, mais je crois que, collectivement, c'est une question qui devrait être posée.
Frédéric LENOIR et Leili Anvar
Oser l'émerveillement
(avec Bruno Giuliani, Thierry JAnssen, Alexandre Jollien, Jacqueline Kelen,
Edgar Morin, Marion Muller-Colard, Christiane Rancé)