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Âme ! abîme ! écoutez la prière du ver !
Faites devant l'été décroître l'âpre hiver,
La triste nuit devant l'aurore, les misères
Devant l'homme, les maux devant le bien, les serres
devant le doux oiseau, les loups devant le daim !
Ramenez par la main le couple dans Eden.
Réconciliez l'être, ô père, avec les choses.
Arrachez doucement les épines des roses.
Faites que la brebis admire le lion.
Supprimez le combat, le choc, le talion ;
Soufflez sur les fureurs et les horreurs humaines,
Et faites une fleur avec toutes ces haines !
Versez sur tous leurs fronts, la sereine beauté.
Être mystérieux dont les sphères débordent,
Dieu ! Faites se baiser les bouches qui se mordent ;
Emplissez de bonheur les rameaux verts, mettez
La femme dans la grâce et l'homme à ses côtés ;
Faites mûrir le fruit ; faîtes lâcher la proie ;
Faites des berceaux blancs sortir un bruit de joie,
Croître le lys, fleurir l'arbre, rire le jour,
Et sous l'immense azur chanter l'immense amour !
Victor HUGO
La fin de Satan
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- tu as été courageux, lui dit Hana ce soir-là, quand des trois oiseaux qu'il avait chassés n'étaient restés que de petits os tout légers, nettoyés par les dents et les langues jusqu'à ce qu'ils brillent.
- Tuer, c'est facile, répondit Tom, et il frissonna.
Les autres ne l'écoutaient pas, perdus dans la béatitude de leurs bouches qui gardaient encore le souvenir de la saveur des oiseaux. Heureusement qu'Hana s'était chargée de les plumer, c'était comme si elle avait toujours fait ça, les plus petits l'avaient aidée, arrachant les duvets avec frénésie. Orla avait fiché dans ses cheveux une longue plume intacte, mais maintenant elle était toute de traviole, trophée mélancolique, iridescent à la lumière des flammes.
- Imagine que tu es un oiseau, un de ceux-là, dit Tom à Hana. Survivre aux renards, aux loups, aux faucons pour finir dans mes mains et dans nos ventres, d'après toi, est-ce que ça a un sens ? Il aurait pu vivre encore. Connaître d'autres matins, pour voler, chercher de bonnes choses à manger, se balader, chanter. Ce sont ces oiseaux-là qui chantent, sais-tu ? Ce sont eux qui produisent ce son prolongé, comme ça. Et il l'imita.
Béatrice Masini
Enfants de la Forêt
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