Pourquoi s'en va-t-on à pied ? (François Cassingena-Trévedy)
Pourquoi s'en va-t-on à pied ? Pour se laver. Aucun véhicule ne lave, ou presque. On ne dira rien, ici, de tous ceux qui polluent, non pas tant parce qu'ils émettent du gaz carbonique dans l'atmosphère que parce qu'ils donnent à l'homme une idée trop avantageuse et trop suffisante de lui-même.
Il n'y a que les pieds pour laver l'âme.
Les pieds humbles, forts et fragiles, qui ont eux-même besoin d'être lavés. Il n'y a que la marche pour laver, tant il est vrai que la terre a la capacité de laver le fond de l'homme (ne voit-on pas les passereaux nettoyer leur plumage dans la poussière ?), tant il est vrai que le terrestre a le privilège de laver ce qui le transcende, la chair elle-même celui d'assainir l'esprit.Et le ciel même ne peut me laver que je ne le demande à la terre, puisque aussi bien il n'est de ciel que celui que la terre me donne.
Oh ! cettre grâce inouïe que la terre possède de me donner le ciel ! Non pas seulement comme une récompense, mais comme un compagnon ; non pas comme un étranger, mais comme un autochtone. Car le ciel même, le grand ciel caravanier qui passe est natif de la terre, comme sa floraison, comme sa fenaison, comme sa frondaison. De même âge, de même lignage, de même humeur, de même allure que la terre qu'il foule, dans la poursuite assidue, d'une même harmonie, dans la résolution d'un même accord, dans la composition d'un même nuancier. Le ciel, mon lointain que j'aime comme moi-même. Mon grand arbre, avec moi, qui chemine.
Celui qui marche se lave, à son insu même, dans le lavoir du loin, comme si le simple là-bas, toujours résurgent, toujours remodelé, était une eau pure qui passait sur lui.
François Cassingena-Trévedy
Cantique de l'Infinistère