défi 184
Martine a le plaisir de prendre la barre de la goélette des Croqueurs de Mots pour ce 184ème voyage en votre compagnie chers croqueurs et croqueuses : Pour le défi du lundi 17 avril 2017.
Elle nous cite 8 premières phrases de livres (incipit) et 8 dernières phrases (explicit).
Le défi du lundi consistera à choisir un début et une fin de roman et d’écrire l’histoire (en prose ou en vers) pour lier le début à la fin.
---
« Je ne sais pas trop par où commencer » (de Philippe Claudel -les âmes grises)
L'homme était doux, attentionné, s'attardant peu sur sa renommée. Marcel Dombasles, l'écrivain-cinéaste, après un temps suspendu, comme si son ange gardien le conseillait, poursuivit :
« Comment naît l'idée d'un roman, d'une nouvelle ? D'une sensation, d'une rencontre, d'un souvenir. Avant de venir dans ce magnifique salon Charlemagne de la gare messine, une femme m'aborde. Petite, humble, elle marche d'un pas à peine plus grand que celui d'une enfant. Son regard croise le mien. Minuscule chapeau sur la tête, silhouette menue, un gilet à grosses rayures noires et blanches, elle m'interpelle : « j'ai mal au pieds, je reviens de chez le docteur, un sten, il a posé un sten .. je m'essoufle ».
Cette femme que je prénomme intuitivement Marie Claude, peut être a-t-elle défilé sous les drapeaux de mai 1968. La sexagénaire poursuit : « en sortant, deux hommes cagoulés m'ont agressée, dévalisée, 250 euros ! J'ai vu la police, mon frère vient me chercher. »
Son débit est rapide, hâché. Elle me regarde à nouveau : « N'auriez-vous pas 2,3 euros pour que je prenne le bus ? ».
Elle supplie à peine, « tout m'accable » semble vouloir dire ses paroles. Au-dessus de ses lèvres, 2 piercings, comme une jeunesse de 16 ans, un peu gros, ronds, striés, argentés.
Vous me signalerez qu'elle fabule pour me soutirer de l'argent. Utile pour le ticket ? Ou pour un sandwich, un paquet de cigarettes, de la drogue, une chambre ce soir ? ...
Je lui donne quelques pièces ; les euros sont déjà avalés par l'horodateur. Elle me remercie – presque un arrêt sur image – nous nous séparons, elle se retourne et réitère ses remerciements.
Je suis avec vous et voyez-vous je suis encore avec elle. Des questions surviennent : quel enfant était-elle ? Pourquoi aborde-t-elle aujourd'hui les passants ? Un divorce ? Une sortie de prison ? Les galères, les manques, ses erreurs et ses joies.. ses joies, ses bienfaits, sa bienveillance.
Dans un livre, éclairer son sourire, lui rendre le clair de sa vie.
La vie voyez-vous ce n'est jamais si bon ni si mauvais qu'on croit ! » (Guy de Maupassant - une vie)