Défi 174 des croqueurs de mots
Pour le défi 174 chez les Croqueurs de Mots, voici ce que Lilousoleil nous propose ….
Maintenant que vous êtes sorti de votre cachette, vous n’allez pas hésiter à nous raconter une belle histoire qui va mettre en scène :
trois personnages : Jules, Jeanne et son éternelle cane, un personnage de petite taille qui semble assez agité, un lieu : une mare près de l’église et un objet : une pendule.
pour Marcelle S. et Huguette B. et Micheline G., dames aux yeux pétillants
Dans sa petite chambre, à l’abri des résidents, Jeanne Marcelle sourit et regarde sa pendule. Il est 15 heures, cela fera bientôt une semaine que cette rencontre improbable a eu lieu. Sur le bord de la fenêtre, une rose aux couleurs rose, orange et jaune.
Il ne lui est plus possible de marcher aisément, à 92 ans, comme sa copine Jacqueline qui, elle, grande veinarde, demeure encore chez elle. Toutefois sa canne est une bonne amie et lui permet de se déplacer à petites enjambées … vers, jeudi dernier, la mare près de l’église, un rien d’eau, trop petit pour être appelé lac ou étang. Quand on a vécu toute sa vie seule et surtout qu’on a été assistante sociale, qu’on a eu le permis, jardiné un bout de terrain à 100 m de l’appartement, fait partie d’associations pour aider les autres, ceux qui ont faim et n’ont rien demandé et que l’on se retrouve à 25 personnes dans une maison accueillante tenue par des religieuses sympathiques, il y a des jours où le besoin d’être seule impose cette promenade vers la mare (au diable comme elle l’appelle) et sur l’unique banc.
Seulement, sur le banc, est assis un homme d’un âge respectable (pour elle un gamin, 60 ans maximum, drôle comme les autres peuvent vous sembler jeunes). Un chien, de petite taille, un caniche noir, aboie et bouge sans arrêt. Va-t-elle rester ou rentrer ? Mais l’homme déjà, se tourne, imposant et doux, « Asseyez-vous Madame, le banc est bien assez grand pour nous deux ! ». Et drôle de journée, Jeanne Marcelle a trouvé tout de suite son sourire agréable, amical et lui a admiré immédiatement cette femme au regard pétillant et au rire lutin.
Le chien a bien été responsable aussi de leur rapprochement en faisant la fête à l’ancienne qui aimait les animaux hélas non autorisés dans sa résidence. « Lully ! laisse la dame tranquille ! » La musique, son grand amour, la musique baroque et voilà nos deux personnes à converser sur la musique classique, les voyages, les petits bonheurs, les années qui passent, ensemble, ils voient les libellules se mirer et s’aimer. « Je m’appelle Jules, lui dit-il, et je vis en France depuis une vingtaine d’années. C’est devenu mon pays et je ne retournerai plus au Rwanda » Là-bas, il était professeur et ici, ses diplômes n’avaient plus de valeur, alors il est devenu chauffeur de bus. Il est venu ici en vacances dans ce coin de Meurthe et Moselle, où les côtes produisent le gris de Toul. Il a aussi visité la ville, sa cathédrale, ses restes romains… le soleil brille moins fort, l’ombre du tilleul se fait plus sombre. Jeanne Marcelle doit rentrer, le repas est servi si tôt. Déjà elle se lève, salue Jules et …
"Attendez, Madame, attendez" et le voilà qui un instant s’absente et revient avec une rose Laurent Voulzy au parfum puissant. "C'est pour vous" et il lui sourit.
Que la vie lui a semblé plus légère depuis, viendra-t-il la voir avant son retour à Mulhouse ?
Et elle prend sa canne pour rejoindre son banc . Ne lui a-t-elle pas promis de lui offrir une boisson au café des amis ?
note : la canne des personnes très âgées est si présente que je n'ai pas vu l'animal ... dans la cane ... juste l'objet si utilitaire pour avancer..