• toi et les 7 péchés capitaux (Fin d'hiver - lettres à Lucien de Thérèse Jerphagnon)

    En lisant cette lettre de Thérèse JERPHAGNON, j'ai tout de suite pensé qu'elle s'intégrait très bien au défi de Martine, sur les 7 péchés capitaux.


     

    Toi et les 7 péchés capitaux

    Stendhal, dans son livre de l'amour, appelle phénomène de cristallisation la capacité qu'a l'amant de ne voir que qualités chez l'être aimé. Bref, l'amour rend aveugle depuis Adam.

    Alors, ce soir je m'interroge avec tendresse : avais-tu des côtés ténébreux là où je n'aurais vu que brillantes qualités ? Le plus simple est encore de reprendre la liste des péchés capitaux, quelque contestable qu'elle soit... car je ne vois pas le principal : l'égoïsme, dans cette énumération hasardeuse. 

    Voyons l'orgueil... Oui, la mesure est à son comble. Orgueilleux, tu l'étais, dans le sens de fier. Soucieux de ton honneur comme un personnage cornélien. Ce n'était pas sociologique. Rien à voir avec la vanité que tu méprisais profondément. Mais tu n'aurais pu t'abaisser à une conduite que ta conscience aurait réprouvée. Tu avais besoin de ta propre estime. Tu étais fier de tous ceux à qui tu devrais d'être ce que tu étais mais le grand-père socialiste, le maire de Vierzon-Forges et cafetier de son état avait le même statut dans ta mémoire que le baron de Jerphanion du Moyen-Âge.

    L'avarice ? Peut-être n'avons-nous jamais assez possédé pour être avares. Tu avais un mépris de l'argent qu'a exploité plus d'un de tes éditeurs. S'il fallait absolument se livrer à des comptes, tu reprenais toujours la même formule : "Occupe-t'en !"

    L'envie ? Elle te semblait toujours vile, mesquine. Trop préoccupé de ton être pour te souvenir de ton avoir. Ceux qui faisaient étalage de leurs biens te paraissaient toujours comiques.

    La colère ? Je suis obligée d'admettre que tu flambais comme de l'étoupe si on t'avait provoqué. A d'autres époques, je pense que tu te serais souvent battu en duel, mais là encore, c'était pour défendre la veuve et l'orphelin. La seule fois où tu es allé faire un esclandre au ministère de l'Education Nationale, c'était pour y soutenir un de tes assistants. Dans ton camp allemeand, je crois que tu avais eu plus d'un moment de révolte qui aurait pu raccourcir tragiquement ton séjour. 

    La luxure : un plotinien saurait-il excuser les débordements de la chair ? Non... mais devant les exploits de tel Casanova tu souriais avec un peu de mépris pensant qu'il devait être malheurex pour "multiplier ce qu'il ne pouvait unifier" selon Camus.

    La gourmandise ? Ta ligne ascétique prouvait assez que les longues agapes n'étaient pas pour toi. Tes péchés mignons ? Un whisky Laphroaig le dimanche soir accompagné de fruits secs.

    La paresse ? Tu as toujours été un bourreau de travail et j'aurais tant voulu te voir paresseux. Même les vacances étaient studieuses.

    J'ai tendance à penser que non seulement l'amour ne rend pas aveugle mais encore que lui seul peut nous permettre de voir les ombres et les lumières. Pourtant quand je me relis, je me demande si je ne me suis pas livrée, moi aussi, à la cristallisation, puisque même tes défauts me semblent l'envers de tes qualités.

     

    Thérèse JERPHAGNON

    FIN D'HIVER  - lettres à Lucien


    Lucien JERPHAGNON  (1921/2011) 

    universitaire, historien et philosophe français spécialiste de la pensée grecque et romaine.

    PLOTIN (205/270)

    Pour Plotin, l'univers est fondé de trois réalités fondamentales : l'Un ou le Bien, l'Intelligence et l'Âme du monde.

    Il affirme que " le bonheur se trouve dans la vie".

     


  • Commentaires

    1
    Mardi 6 Octobre 2015 à 20:41

    L'orgueil est bien stupide
    L'avarice doit être source de bien des souffrances
    L'envie... si c'est de chocolat, je ne lutte pas
    La colère peut être constructive si elle est analysée
    La luxure... comme l'avarice.
    La gourmandise, je ne lutte pas non plus, enfin pas trop.
    Et le paresse, et bien de temps à autre... je ne suis pas contre, mais juste de temps en temps.
    Bises et bonne soirée Andrée

    2
    Mardi 6 Octobre 2015 à 21:24

    C'est un bien magnifique texte, plein de tendresse et d'amour ! Merci Durgalola de ce partage... J'aurais aimé connaître ce Monsieur si bien dépeint  (je prend son nom ainsi que celle de l'écrivaine qui est d'une tendresse infinie...  ils semblent avoir bcp à nous apprendre !)

    Plein de bisous

    3
    Mercredi 7 Octobre 2015 à 00:24

    Bonsoir Andrée. Ah oui, quelle belle lettre pleine d'amour et de lucidité, tout à fait dans le cadre du défi de Martine. Merci beaucoup, gros bisous.

    4
    gazou
    Mercredi 7 Octobre 2015 à 07:28

    C'est une bien belle lettre !

    Bonne journée Andrée !

    5
    Mercredi 7 Octobre 2015 à 16:45

    Une très jolie lettre.

    Je n'aime pas les orgueilleux, ni les avares, je n'envie personne.

    La colère, c'est très rare, il faut vraiment que l'on m'énerve, je suis un taureau, les taureaux ont beaucoup de patience.

    La luxure c'est ridicule, je ne serai pas plus heureuse avec plein d'or.

    La gourmandise, en bonne Belge, je craque pour le chocolat !

    La paresse, de temps en temps cela ne fait pas de mal !

     

    6
    Jeudi 8 Octobre 2015 à 07:17

    Quelle lettre magnifique! 

    Tous ces défauts sont bien laids. On les voit chez les autres. Et pourtant,  qui n'a jamis été en colère ou trop gourmand sur un plat particulièrment à son goût ( moi je ne me raisonne pas face à aux excellentes tomates farcies de ma maman? ou un peu paresseux? smile

    Par contre l'avarice, la luxure, l'orgueil, l'envie... sont à vomir

    En fait, lorsque je lis les commentaires, je constate que , de temps à autre, paresse, gourmandise, colère sont des péchés partagés avoués. Et j'en suishe. Je suis humaine après tout.

    Merci Andrée

    Bises

    smile

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