• Le camp des autres (le camp des autres)

    Dans le ventre sauvage d'une forêt, la nuit est un bordel sans nom. Une bataille veloutée, un vacarme qui n'en finit pas. Un capharnaüm  de résine et de viande, de sang et de sexe, de terre et de mandibules. Là-haut, la lune veille sur tout ça. Sa lumière morte ne perce pas partout mais donne aux yeux qui chassent des éclairs argentés. Gaspard est recroquevillé contre le chien. A  moitié recouvert par lui, il le serre dans ses bras trop courts. Le feu n'empêche pas d'avoir froid, le maintient dans un demi-sommeil parcouru de sursauts. Le feu n'empêche pas d'avoir peur, le monde entier autour d'eux grouille comme une pieuvre sombre. Le vent siffle, souffle, gémit, gonfle les buissons comme des poitrines et fait craquer les branches. On entend les insectes sous les écorces, les becs de rapaces qui fouillent dans les goitres égorgés, les petits os craquants sous les mâchoires des rongeurs. On dirait que c'est le sol tout entier qui bouge. Et au loin, parfois, lorsque tout se calme, un hurlement éventre le vide noir qui les entoure. Il y a des loups, ou des hommes quelque part, qui se déchirent l'âme, il y a des peines, des cris, des grognements tout autour qui givrent jusqu'à l'aube. ... Au moment où la nuit s'enfuit en un souffle et se grise en fils de brouillard, une bête s'est approchée jusqu'à renifler la fumée piquante et humide de sa manche. Gaspard en un sursaut qui ouvre tout à la fois ses grands yeux et ses petits bras le chasse d'un cri aigu, sans comprendre pendant cette seconde encore suspendue au sommeil qu'il voit détaler sous les épines le panache roux d'un cul de renard. Prenant soin de caresser le chien, il se relève alors un peu plus faible, abîmé et frigorifié que la veille.

     

    Thomas VINAU

    Le camp des autres

     


  • Commentaires

    1
    Dimanche 16 Décembre 2018 à 14:27

    Je ne connais pas cet ouvrage, et du coup, je suis allée en lire le synopsis et les critiques. Bien m'en a pris car j'avoue que cet extrait est loin de m'avoir séduite. Peut-être que sorti de son contexte, cela m'a semblé un tantinet sordide.
    Bises et bonne journée Andrée

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    2
    Dimanche 16 Décembre 2018 à 16:00

    et dire que des gens, des humains, n'ont d'autres possibilités que d'y passer leurs nuits ... il n'y a pas que la forêt à être cruelle ... 

    "le camp des autres" borde notre chemin ...

    amitié .

    3
    Dimanche 16 Décembre 2018 à 16:38

    Un livre qui me fait envie. En ce moment je lis beaucoup. Ça me rappelle Sirius que j'ai adoré et aussi "Chien loup" que je viens de terminer. Bises et bonne soirée

    4
    Dimanche 16 Décembre 2018 à 16:49
    Martine Martin
    L'extrait est très sombre. J'ai besoin de lire des textes plus gais surtout en ce moment où J'ai perdu ma motivation pour la lecture. Bisous
    5
    Dimanche 16 Décembre 2018 à 17:48

    Gaspard et son chien s'enfuient dans la forêt.  L'enfant à peur, il a froid, il a faim, il trébuche, il se cache. Il est blessé. Un homme le recueille...

    il fallait que je "regarde" un peu plus près....

    6
    Dimanche 16 Décembre 2018 à 21:10

    Bonsoir Andrée. Cet extrait donne envie d'en savoir plus sur Gaspard, et ce roman. Bonne soirée et bisous

    7
    Lundi 17 Décembre 2018 à 04:31
    colettedc

    Je ne connais pas ce livre mais, cela aiguise ma curiosité, pour le moment ! Bonne semaine Andrée !

    Bises♥

    8
    Lundi 17 Décembre 2018 à 18:20
    daniel

    C'est fou tout ce qui se passe la nuit !!ça fait peur !

    9
    Lundi 17 Décembre 2018 à 23:09

    Waouuh ! J'ai la chair de poule en lisant cet extrait ! les mots choisis sont percutants et terriblement explicites !

    Merci Durgalola

    Bisous

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