• J'espère définir ma vie, ce qu'il en reste,

    par des migrations, au sud et au nord avec les oiseaux

    loin de la fièvre métallique des horloges,

    le soi fixant l'horloge et disant "Je dois faire cela".

    Je ne vois pas le temps sur la langue de la rivière

    dans l'air frais du matin, l'odeur fermentée

    de la végétation, la poussière sur les parois du canyon,

    les hirondelles plongeant vers l'eau vive parfumée.

     

    Jim Harrison

    Une heure de jour en moins

    (poèmes)


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  •  

    Quand le crabe en pince pour moi,

    Titre un rien provocateur, presque romantique, Martine  nous offre son dernier livre, un témoignage sur ce temps incertain où la maladie vous occupe entièrement, vous séduit insidieusement, vous laissant ébaubie. 

    En lisant son livre, vous apprendrez son combat contre le crabe, mais pas que, aussi toute une vie qui s'ébauche autrement, des découvertes, des relations qui s'approfondissent, des tartes au citron et les paysages maritimes des Sables d'Olonne.

    Le lire c'est aussi, pour nous un rappel de combats menés ou en train d'être menés, pour soi-même, pour nos proches même nos voisins. Je pense ici à une amie décédée il y a 20 ans d'un cancer du sein, et  à l'époque j'étais terrifiée. A une autre qui après un cancer du sein, 20 ans après vit un autre cancer. Pour le combattre, elle utilise la joie, l'humour. A une amie dont l'accident imprévisible, violent,  l'a enrobée d'un corset et d'une minerve pas loin de cinq mois, maintenant va chez le kinésithérapeute deux fois par semaine. A un voisin face à Monsieur Parkinson, pendant plusieurs années a continué de vivre normalement, et même maintenant où il lui est difficile de bouger, il fait des projets avec sa femme : inviter tous les petits enfants pour un week-end en Normandie.

    Lisez-le, vous ne vous ennuierez, vous ne déprimerez pas, souvent, pour moi cela fut le cas, cela résonnera dans votre cœur et vous fortifiera. La vie vaut la peine d'être vécue.

    "Personne ne prétend que la résilience est une recette de bonheur. C'est une stratégie de lutte contre le malheur qui permet d'arracher du plaisir à vivre, malgré le murmure des fantômes au fond de sa mémoire."

    Boris Cyrulnik (page 70)

    je ne résiste pas à la joie de vous partager un interview enregistré en janvier 2023.

     

    La maladie est, écrivait Georges Canguilhem, "une autre allure de la vie" ; elle n'est pas l'absence des normes, mais la présence d'autres normes. Elle exige que le malade, tant que cela est possible, parvienne à mener une vie qui a du sens pour lui, malgré les renoncements et réaménagements existentiels et psychiques que sa maladie lui impose.

     

    Corine Pelluchon 

    Réparons le monde (humains, animaux, nature)


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  • William T. Vollmann  est avec son ami Steve, ils grimpent à l'arrachée dans les trains, pour aller partout, wagons sales, wagons dangereux, rencontres avec les voyageurs ( aux USA, hobos, SDF se déplaçant de ville en ville en se cachant dans les trains), en évitant les contrôleurs.  Il parle de Kerouac (le clochard céleste) Jack London, Mark Twain, Hemigway) . Mais où est le Grand Partout ?

     

    "Que cherchais-je donc ? En un instant, et pendant un instant, j'eus ma réponse, lorsque je vis parmi les raffineries, dans une ruelle bordée de pelouses vertes, juste derrière la clôture de la Union Pacific, un garçonnet blond et une fillette blonde qui s'apprêtaient, en maillots de bains, à entrer dans leur petite piscine.

    ...

    Aurais-je passé ma vie dans cette rue aux pelouses vertes, ou même serais-je venu de très loin pour visiter la maison où vivaient ces enfants, que de les voir ainsi dans la piscine n'eût rien signifié pour moi au-delà des associations d'idées personnelles qu'ils m'auraient inspirées.

    Mais parce que j'avais chaud et soif et qu'ils étaient dans une eau bleue parce que j'étais momentanément conscient de ne savoir ni où j'étais ni où j'allais  parce qu'il était improbable, même si j'avais pu me repérer d'une manière un tant soit peu efficace , que je revienne un jour ici, encore moins que je revoie ces enfants, encore moins que j'apprenne ne fût-ce que leurs noms ; parce que je ne les avais aperçus que par hasard, sans même pouvoir décider de la durée de cette rencontre ; parce que, fruit d'un autre hasard, le garçon ressemblait à celui que j'avais été ; parce que cette fillette, bien que ne ressemblant pas à la petite sœur que j'avais eue puis perdue, restait tout de même sa sœur et avait à peu près le même âge que lui (plus vieille ou plus jeune, je ne me souviens plus) - pour toutes ces raisons je fus pris d'une sorte d'empathie radieuse, presque complètement vierge de toute tristesse, si bien que dans ces enfants je ne me voyais même pas consciemment.

    Pendant ce bref instant, ils incarnèrent une existence parfaite de bonheur et de sérénité, que sa propre fiction sentimentale ne pouvait ébranler ; car voyez-vous ils allaient vraiment être heureux dans cette petite piscine en plastique, et ils se tenaient par la main, alors que moi j'avais la gorge sèche, que j'avais mal à la tête à cause de la soif, et que je repartais. En fait, j'étais déjà parti. Steve ne les a jamais vus.

     

    Pour le dire autrement, lorsque vous misez sur un train de marchandises, ça ressemble beaucoup à la vie : vous ne connaissez pas la suite.

    ... Vous avez très envie d'aller, par exemple, en Californie, et on peut raisonnablement dire que vous y parviendrez ; mais votre idée du raisonnable n'est pas forcément celle du train. "

     

    William T. Vollmann

    Le Grand Partout

     


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  • Par les étoiles je t'appelle, Amour,

    Au-dessus de l'océan, loin de la terre,

    Etincelles entre nuit et jour

    Se croisent nos voix dans l'univers.

     

    Mon étoile d'Arles qui brille au ciel mauve

    Ton souffle venu du songe et du sommeil

    s'enlace à mon souffle et me sauve

    De ce temps vide où manque ton soleil.

     

    Dans l'espace avec l'astre de métal

    Vogue l'unique sillage de nos vies.

    Île invisible ou merveilleuse escale

    Avant que mon corps à ton corps se relie.

     

    Par les étoiles, par les étoiles, par les étoiles

    Je t'appelle !

     

    Georges Emmanuel CLANCIER 

    jeudi 31/08/1967


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  • Les anges en robes rouges se sont mis à parler fort. La conversation du feu guérit de tout.

     

    Je jetai mes soucis dans la cheminée et m'apprêtai à faire joyeusement des choses qui m'ennuyaient. Une légèreté me montait à la tête, semblable à celle qui escortait le chevreuil que je vis un jour entrer dans la forêt : il avait l'élégance d'un danseur en répétition, tressautant, esquissant distraitement trois pas, en accord avec la musique de chambre des feuillages. Les animaux cherchent dans l'inconnu de quoi manger et parfois ils lèvent la tête en oubliant leur faim, regardent à droite, à gauche. Un rêve humidifie le noir de leurs prunelles. Des soucis ? Non, aucun. Juste l'incroyable murmure des jours qui passent et leur lumière.

     

    Il faut savoir qu'il n'y a que des enfants : après, on voit vraiment la vie.

     

    En coupant le pain trop vite, ce matin-là, je me suis légèrement blessé. Je n'ai pas vu tout de suite la plaie d'où un rien de rouge sortait, tranchant le livre à la couverture blanche. J'en lisais un peu chaque jour comme un moineau boit du bout de son bec. Il était écrit par un sage oriental. Un sage est quelqu'un d'ennuyeux, tous les enfants vous le diront. Celui-là non. Dans sa paume de papier brillaient de blanches fleurs de prunier. La miette de sang rouge était tombée sur un pétale.

     

    Dans cette vie tout peut nous écraser, même un rayon de soleil. Un liseron, jamais.

     

    Une révélation s'oublie vite. Pour me souvenir de ce matin où les pires embarras étaient une joie, il me suffit de regarder sur la couverture  du livre le sang bruni des immortelles.

     

    Christian BOBIN

    la grande vie


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