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Par durgalola le 30 Mai 2020 à 16:22
L'herbe a si peu de chose à faire,
C'est une sphère de simple verdure
Avec seulement des papillons à couver,
Et des abeilles à recevoir,
Elle n'a qu'à s'agiter tout le jour selon les jolis airs
Que les brises amènent,
Et à tenir le soleil sur son coeur
A saluer toutes choses ;
A enfiler les gouttes de rosée toute la nuit comme des perles,
A se faire si belle
Qu'une duchesse serait trop commune
Pour une telle splendeur.
Et lors même qu'elle meurt, à passer
Parmi les odeurs divines,
Telles de secrètes épices qui s'endorment
Ou des amulettes de pin.
Et alors elle habite dans des granges souveraines
et passe les jours à rêver.
L'herbe a si peu de choses à faire,
Je voudrais être une touffe de foin !
Emily Dickinson
Poèmes choisis
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Par durgalola le 28 Mai 2020 à 10:00
Dieu donna un pain à tous les oiseaux,
A moi rien qu'une miette ;
Je n'ose la manger, même quand je meurs de faim ;
Cette miette est mon luxe émouvant.
La posséder, la toucher, c'est preuve légale
Que cette boulette est mienne ;
Je suis trop heureuse de mon sort de moineau
Pour en désirer davantage.
Il pourrait y avoir la famine autour de moi,
Je ne manquerais pas d'un épi,
Tant l'abondance sourit sur mon buffet,
Tant mon grenier paraît garnir.
Je me demande ce que peut éprouver un riche,
Un prince hindou, un comte.
Je pense qu'avec rien qu'une miette
Je suis leur souveraine à tous.
Emily Dickinson
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Par durgalola le 13 Mai 2020 à 14:00
à ma fille Théa
Tandis que j'essaie d'habiller
le monde derrière la porte vitrée
en couleurs chaudes
elle plonge un pinceau
dans le ciel de ses cinq ans
et son rire se met à couler
de l'horizon de la serrure
vers le seuil.
Un jour elle comprendra que chacune de nous a son fleuve
où elle se réveille avec des yeux de femme,
puis entasse des silences dans sa gorge,
les lie en barques de papier
et s'endort avec des yeux de poisson.
A présent son rire gonfle les toiles
de toutes les barques
ensablées dans le delta du monde.
Aksinia Mihaylova
Le baiser du temps
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Par durgalola le 7 Mai 2020 à 14:00
Mais jamais Ludmila ne connaîtra en Widma autre chose qu'une mère. Jamais elle ne verra cette femme imposante diminuer à mesure que croissent ses enfants ; jamais elle ne connaîtra ce vertigineux retournement des choses de devenir plus grande qu'elle ; elle ne connaîtra pas, non plus, cette connivence pudique des femmes que peuvent avoir parfois les filles avec leurs mères. Jamais elle ne rendra la dette de sa naissance en accompagnant les vieux jours de Widma ; jamais elle ne vivra ce petit pincement qui étreint le cœur des enfants lorsqu'ils voient affleurer chez leurs mères une vulnérabilité que le grand âge ne leur permet plus de camoufler.
Car un jour les mères vieillissent et se laissent regarder pour ce qu'elles sont : des femmes. D'anciennes petites filles, aussi. Il arrive alors que leurs filles se retrouvent à laver ce ce corps-là, le corps secret dont elles sont sorties, dont elles se sont éloignées, et dont elles n'ont pas su grand-chose par-delà l'amnésie de la naissance. Ce jour-là, chaque passage du gant sur ce corps devenu dépendant retissera quelque chose d'ombilical. Et sous l'embarras, il y aura aussi une étrange jouissance : celle de poser encore notre empreinte sur ce corps, comme ces vergetures qui témoignent de notre passage à l'abri de ce ventre, distendu à cette occasion de façon si démente que sur la peau se fendent des crevasses indélébiles.
Marion MULLER-COLARD
Wanted Louise
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Par durgalola le 6 Mai 2020 à 10:00
En haut de la montagne, il n'y a rien de plus ni de moins qu'en bas de la montagne. Nous nous déplaçons avec nous-mêmes, nous déplaçons en nous-mêmes.
Le bout du monde et le fond du jardin contiennent la même quantité de merveilles.
Christian Bobin
Le monde est occupé
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