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Par durgalola le 29 Janvier 2020 à 16:00
La montagne est trop haute
Les nuées trop limpides
Pour quoi sommes-nous faits
Dans la vallée profonde
Le chemin nous échappe
Le cœur est notre guide
Si loin déjà d'ici
Dans son ordre invisible
Gérard BOCHOLIER
Depuis toujours le chant
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Par durgalola le 16 Janvier 2020 à 18:54
La partie
Il y a des jours comme ça
où je me demande si
la partie est terminée
ou si, au contraire,
elle vient juste de commencer.
Aujourd'hui est un de ces jours-là
sauf qu'il dure depuis dix ans,
déjà.
Je commence à trouver le temps
long.
En plus de ça, depuis ce matin
je me demande si un poème
est le début, ou la fin
d'un énième chapitre.
J'en suis arrivée à la conclusion suivante :
un poème c'est quelque chose
d'éphémère et joli
comme la signature d'un doigt
sur la buée d'une vitre.
Cécile COULON
Ronces
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Par durgalola le 14 Janvier 2020 à 14:00
(dans la geôle, avant la crucifixion, Jésus entend la pluie)
J'imagine un autre destin. Les autorités fuient la montée des eaux. On me relâche. Je retourne dans mes provinces, j'épouse Madeleine, nous menons la vie simple des gens ordinaires. Charpentier par trop médiocre, je deviens berger. Nous préparons du fromage, avec le lait des brebis. Chaque soir, nos enfants s'en délectent et grandissent comme des plantes. Nous vieillissons heureux.
Suis-je tenté ? Oui. Plus jeune, je me réjouissais d'être élu. A présent, je n'ai plus cette faim. Elle est rassasiée. Je préférerais rejoindre la douceur de l'anonymat, ce que l'on nomme à tort la banalité. Rien de plus extraordinaire pourtant que la vie commune. J'aime le quotidien. Sa répétition permet d'approfondir les éblouissements du jour et de la nuit : manger le pain sortant du four, marcher pieds nus sur la terre encore imprégnée de rosée, respirer à pleins poumons, se coucher le long de la femme aimée - comment peut-on vouloir autre chose ?
Cette vie-là aussi se termine par la mort. Je suppose néanmoins que mourir est très différent quand c'est l'oeuvre de l'âge : on s'éteint avec les siens, cela doit ressembler à un endormissement. Si je pouvais échapper à la violence annoncée, je ne demanderais rien de mieux.
La pluie s'arrête. L'hypothèse exquise s'achève.
Tout s'accomplira.
Amélie NOTHOMB
SOIF
16 commentaires -
Par durgalola le 20 Décembre 2019 à 14:00
Le faisan
Tu as dit que tu le tuerais ce matin,
Ne le tue pas. Sombre, étrange... j'en tremble encore.
Cette tête a surgi, allant son chemin
Parmi l'herbe haute de la colline à l'orme.
C'est quelque chose, que de posséder un faisan,
Ou même seulement d'en avoir la visite.
Je ne suis pas mystique : ce n'est pas du tout
Comme si je croyais qu'il avait un esprit.
Il est tout simplement dans son élément.
Cela lui donne une prestance de roi, un droit.
L'empreinte de sa large patte l'autre hiver,
Le sillon de la queue sur la neige, chez nous ---
Le prodige de cela, dans cette pâleur,
A travers les traces croisées des moineaux.
C'est sa rareté, peut-être ? Il est rare.
Mais il me plairait d'en avoir une douzaine,
Une centaine sur cette colline --- verts, et rouges,
Se croisant et se recroisant : une aubaine !
Il est tellement bien dessiné, et si vif.
C'est une petite corne d'abondance.
Tapageur, il se déploie, brun comme une feuille,
Et se pose sur l'orme, où il est tranquille.
Il profitait du soleil dans les narcisses.
J'ai fait un pas de trop, stupide. Laisse-le, laisse-le.
Sylvia PLATH
La traversée
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Par durgalola le 18 Décembre 2019 à 14:00
Comment calmer cette nostalgie du grand démarrage ? On pouvait toujours prier Dieu. C'était une occupation agréable, moins fatigante que la pêche à l'espadon.
...
On pouvait aussi penser que l'énergie primitive pulsait, résiduelle, en chacun de nous. Autrement dit que résonnait en nous tous un peu du vibrato originel. La mort saurait nous réincorporer au poème initial. Ernst Jünger, quand il tenait un petit fossile du précambrien dans le creux de sa main, méditait sur l’apparition de la vie (c'est-à-dire du malheur) et rêvait aux origines : "Un jour, nous saurons que nous nous sommes tous connus."
Enfin, restait la technique de Munier : traquer partout les échos de la partition première, saluer les loups, photographier les grues, rassembler à coups d'obturateur les tessons de la matière mère explosée par l'Evolution. Chaque bête constituait un scintillement de la source égarée.
...
L'affût était une prière. En regardant l'animal, on faisait comme les mystiques : on saluait le souvenir primal. L'art servait aussi à cela : recoller les débris de l'absolu. Dans les musées on passait devant les tableaux, carrés de la même mosaïque.
Sylvain Tesson
La panthère des neiges
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