• Deux peupliers centenaires s'élèvent vers le ciel.

    On dirait deux suppliques un peu fières,

    Danseurs que je regarde tout l'azur dans les yeux.

     

    Ce bleu où passent les plumes des nuages,

    Caresse désinvolte à vos très hautes branches.

    Des larmes d'argent sont posées sur vos feuilles.

     

    Elles brillent au soleil.

     

    Assis dans l'herbe d'un été,

    Les yeux tout simplement ouverts

    Sur le très vaste monde qu'un orage grondera doucement.

     

    Une mésange non craintive picore les pages de mon livre.

    Un rouge-gorge n'ose point l'aventure.

    D'autres oiseaux tissent des voyages dans le ciel.

    Mes pensées sont dans l'herbe

    Et je ne pense à rien.

     

    Joël VERNET

    Une barque passe près de ton seuil

     


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  • Pendant des mois je n'ai pas vu ni effleuré le moindre livre.

    Interdiction de faire venir des livres "de l'extérieur". Dans la prison il y avait bien une bibliothèque, mais elle était fermée. 

    J'ai grandi dans une maison pleine de livres. J'ai passé toute mon enfance parmi eux. Les livres étaient comme des fées au milieu d'une forêt qui me semblait oppressante, effrayante, et à cette forêt dont la nature profonde m'échappait, j'aimais mieux les charmes scintillants des fées, leur ravissant mystère et leurs sourires pleins de promesses.

    ...

    Il te suffit de poser le regard sur cette flopée de signes minuscules étalés sur le papier et aussitôt, ils s'animent, pétillent, changent de forme, sans cesse, tour à tour villes inconnues, ruelles étroites, roches escarpées, déserts, palais. Une poudre magique ruisselle sur ton front et soudain, te voilà quelqu'un d'autre, te voilà Peter Pan, ou le chevalier de Pardaillan, Arsène Lupin, Sherlock Holmes, Ivanhoé, Lancelot !

    J'ai passé toute mon enfance à jouer avec les fées de la forêt. Leur présence m'était familière, je m'étais habitué à les avoir toujours auprès de moi, même dormant entre les pages, prêtes à danser l'instant où j'ouvrirais le livre. Même dans leur sommeil, j'aimais les contempler.

     

    JE NE REVERRAI PLUS LE MONDE

    textes de prison

    Ahmet ALTAN


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  • 19 octobre

    Si je dis que les mots nous servent à nous exprimer et à communiquer, je dis ce que tout le monde sait. Pourtant, il m'arrive souvent de m'étonner que nous puissions déposer en eux ce que nous sommes, éprouvons, pensons, imaginons..., qu'ils aient le pouvoir de transmettre à autrui ce que nous leur confions. Certes, il se produit une regrettable déperdition entre ce qui est vécu et ce qui est transmis, mas cela, nous l'oublions. Parler de cet étonnement, c'est peut être rejoindre celui que j'ai pu connaître quand j'étais enfant.

    Ecrire , pour un écrivain, c'est avoir le goût des mots, c'est les ressentir, c'est aimer les agencer, c'est percevoir comment ils interagissent les  uns sur les autres, c'est être à même d'apprécier leur poids, leur couleur, leur sonorité, leurs vibrations... C'est aussi posséder de nombreux micro-savoirs qui aient à faire vivre ensemble ces petits êtres vivants qui ne se laissent pas facilement domestiquer.

     

    Charles JULIET

    Gratitude

    Journal IX - 2004/2008


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  • ... Qu'est ce que la beauté ?

    La beauté est-elle dans l'objet ou dans l'œil de celui qui regarde ? Ou la beauté n'est-elle ni dans l'objet ni dans celui qui regarde, mais dans l'abandon total de l'observateur et l'observé ?

    L'abandon total n'est possible que dans l'austérité totale, qui n'est pas l'austérité du prêtre avec sa dureté, ses sanctions, ses règles et son obéissance. L'austérité c'est la simplicité, pas celle des idées, des vêtements, de la conduite ou de la nourriture : être tout à fait simple, c'est l'humilité absolue.

    Alors il n'y a jamais rien à atteindre, alors il n'y a jamais de réussite, alors il n'y a pas d'échelons à gravir - il n'y a que le premier pas et le premier pas est le pas qui n'a jamais de fin.

     

    LA BEAUTE DE L'AMOUR

    Ecouter, c'est aimer

    Jiddu KRISHNAMURTI

     

     


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  •  A l'approche du printemps, les oiseaux reviennent, ils font leurs nids dans les creux du grillage qui surplombe la cour.

    Ils chantent, pépient joyeusement.

    Quand vient la saison des amours, les  mâles pour courtiser les femelles et prendre nid avec elles, leur apportent des fleurs qu'ils ont cueillies dans les champs qui entourent la prison. Marguerites délicates, encore à peine écloses, à la tige gracile, aux pétales comme une couronne de dentelle.

    Elles nous tombent du ciel dans la cour. Aussitôt ramassées, nous les mettons dans une bouteille de soda à moitié remplie d'eau. Et déposons ce vase improvisé au centre de la table. 

    Le lendemain matin, les matons nous l'enlèvent. Les fleurs sont interdites en prison.

     

    Je ne reverrai plus le monde

    (textes de prison)

    Ahmet ALTAN


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