• Défi 195

     

     

    Matelôt Josette à la vigie pour le  Défi 195 à l’horizon

    Elle nous présente Edmond ! A partir de ce tableau (vu dans une brocante) racontez une histoire courte avec les mots incorporés : « Ciel, chaussure, coq, couronne et crapaud. »

    Elle nous attend pour le lundi 20 novembre

     

     

     

    Il me regarde, me demandant de l'aider un peu, rien qu'un peu.

    « Ils ne me comprennent pas » yeux perçants, d'un bleu polaire, moue renfermée.

    Ses parents, braves gens, l'implorent de leur parler, de leur confier, ce qui lui fait si mal.

    Edmond revient de l'école mutuelle, il termine en étant le premier . Il voudrait tant aller au lycée Saint-Vincent, y apprendre encore, lire François-René de Chateaubriand, réciter André Chénier, apprendre, passer ses soirs sur les devoirs.

    « Ils ne comprendront pas » « sauvez-moi » «je ferai tout ce que vous voudrez ! J'irai chercher le bois, je recopierai vos écrits avec ma belle écriture ».

    Les parents, sont inquiets, leur enfant, à qui ils proposent de faire un apprentissage chez un menuisier ébéniste, plus qu'un simple apprentissage, un tour de France complet, leur fils, leur Edmond, leur seul garçon. Emilie est à Lyon, dans une famille bourgeoise, chambrière de Madame.

    Edmond se renferme, il oublie, tout, la maison chaude qu'il aimait tant, les chants de sa mère, les objets en bois sculptés par son père ; le chien Barbiche, les vaches, les champs de blés, les courses à travers bois et vallons. Edmond me supplie encore davantage.

    Et moi, Amantine Dupin, qui lui ai ouvert la porte aux secrets des mots, à leur ineffable saveur, à leur goût de liberté, vais-je le laisser devenir ébéniste ? Lui dont les mains fines ne sont guère destinés à créer la beauté dans le bois.

    Edmond se fait encore plus silencieux, son regard plus acéré et ses parents se recroquevillent. Ils pourraient ordonner, tempéter. Ils pourraient frapper bien à l'abri chez eux. Non, ils sont simplement malheureux et tristes. Pour eux, le sacrifice était déjà grand de le laisser aller sur les routes des compagnons.

    Je sais que je vais changer une vie, il ne sera pas de ce monde bourgeois, il ne sera plus du monde paysan. Il chantera les alexandrins, il apprendra le latin et conjuguera nominatif, datif etc.

    Et dans un silence pesant, je mesure mes mots : « M et Mme Bonlevain, Edmond a réussi si facilement son certificat d'études que je vous offre de lui payer ses études au Lycée Saint-Vincent. Il reviendra durant les vacances chez vous. En échange, cher Edmond, je vous demande de m'aider à ranger mes documents et à lire des livres à Maurice et Solange. »

    Edmond se déplie tel un pantin, une marionnette et me saute au cou «Vous me sauvez, je vous remercie Madame et vous serai à jamais dévoué ! »

    Ses parents, immobiles, des statues, savent que la séparation est inévitable ! Leur enfant, enjoué, empressé va entrer dans un nouveau monde d'où ils se sentent bien loin. Pourtant, résignés, non pas amers, ils bougent enfin. Une larme coule des yeux de la mère, bien vite essuyée. Edmond ne boudera plus jamais, n'appellera plus au secours. Il apprendra, survivra aux moqueries des élèves mieux nés, arpentera les ministères, visitera Venise et reviendra toujours chez ses parents et Madame Amantine Dupin.

     

     

     

    Si tu sais méditer, observer et connaître

    Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;

    Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître, 
    Penser sans n'être qu'un penseur; 

     

    Si tu peux être dur sans jamais être en rage, 
    Si tu peux être brave et jamais imprudent, 
    Si tu sais être bon, si tu sais être sage 
    Sans être moral ni pédant ; 

    ..

    Tu seras un homme, mon fils.



    Georges SAND

     

    adieu, ciel, chaussure, coq, couronne et crapaud, adieu mots obligés, je vous rendrai grâce un autre jour. 


  • Commentaires

    1
    Marie de Cabardouche
    Lundi 20 Novembre 2017 à 10:43

    Une main tendue peut faire basculer un destin.

    Un choix est toujours douloureux, Solange et Maurice sauront en cicatriser.

    Beau texte, Durgalola. Merci de la part des Cabardouche.

    2
    Lundi 20 Novembre 2017 à 11:00
    Martine 85
    Edmond à eu de la chance que ces parents acceptent d'autres n'ont pas eu cette chance. Certains parents s'opposent aux projets de leurs enfants en croyant agir pour leur bien. J'ai aimé ton écrit. Bisous
    3
    Lundi 20 Novembre 2017 à 17:10

    Il arrivait qu'un enfant brillant en milieu modeste était pris en charge, histoire qu'il ne croupisse pas à la ferme et à l'usine, certes douloureuse séparation, de chaque côté, mais il deviendra un monsieur sans renier ses racines, on l'espère... bonne soirée, jill

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    4
    Lundi 20 Novembre 2017 à 17:58

    Bonsoir Andrée. J'espère bien l'histoire de cet Edmond qu'un mentor aura sauvé en lui permettant d'étudier. Bisous

    5
    Lundi 20 Novembre 2017 à 18:04

    Je comprends d'autant mieux ton adieu aux mots imposés, qu'ils ont faillis me faire renoncer, et puis finalement, l'inspiration est venue tout de même, mais non sans mal !!!

     

    L'incompréhension entre parents et enfants pour l'orientation est un mal qui traversent les générations et a parfois bien du mal à se résoudre, c'est une épreuve tant pour les jeunes que pour les parents, ton choix est très parlant.

    6
    Lundi 20 Novembre 2017 à 18:07

    En lisant ce texte passionnant et bien écrit, qui répond à merveille au défi, je vais de surprise en surprise... Qui est cette "Amantine Dupin" quand je connais une "Aurore" ? Et puis, vlan, voilà précisément George Sand qui signe un poème... que  je croyais de Kipling ? Ah ! Mais Solange et Maurice, ce sont bien ses enfants en effet... ! Et là-dessus je me dis que "Coeur, couronne et miroir" (pardon, "ciel et crapaud...") sont introuvables et donc remarquablement insérés dans le texte, au point qu'on ne les distingue même pas... Belle prestation, vraiment  ! Bravo Andrée.

    7
    Lundi 20 Novembre 2017 à 21:22
    colettedc

    Magnifique texte, Andrée !!! Bravo !

    Bonne soirée et agréable semaine !

     

    8
    Mardi 21 Novembre 2017 à 14:16

    très belle histoire ... Heureusement que les parents aient accepté pour "l’intérêt de l'enfant"...

    Merci  pour ce récit... 

    Bonne journée et désolée d'arriver si tardivement pour la lecture

    9
    Mardi 21 Novembre 2017 à 19:07

    Bravo pour cette superbe histoire , Edmond a de la chance il ne sera pas obligé de suivre une voie qu'il n' a pas choisie .

    Bonne soirée 

    Bisous 

    10
    Mercredi 22 Novembre 2017 à 08:42

    Une belle histoire qui finit bien. C'est une chance inespérée pour Edmond , de sortir de son milieu pour permettre à son talent  de s'épanouir grâce à Georges Sand  ! Une excellente  interprétation de ce tableau.Bravo

    J'adore ce poème de Kipling .

    Bonne journée

    11
    Mercredi 22 Novembre 2017 à 12:20

    J'aime la fin heureuse... et je comprends pourtant les parents d'Edmond.

    Bravo pour cette page.

    Bisous et douce journée.

    12
    Mercredi 22 Novembre 2017 à 23:09
    DDD59

    Edmond a bien de la chance de sortir du lot, beaucoup de jeunes n'ont pas eu cette chance d'avoir des parents conciliants.

    Merci pour ta participation.

    Bisous.

    Domi.

    13
    Jeudi 23 Novembre 2017 à 19:51

    Oui faire des études n'est pas forcément une option et l'ascenseur intellectuel passait souvent par les enseignants. Jolie histoire et tant pis pour les mots oubliés. bises

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