• Il va falloir nous habituer à vivre dans le chaos.

    Nos pères, nos heureux pères, avaient sans doute bien des douleurs, la peste, la faim, la guerre et autres fâcheux incidents. Mais leur monde tenait debout ; plus ou moins bien, avec des spasmes, des crises, des terreurs, mais avec aussi des "repères" comme on dit, des références, des autorités, un bien et un mal, des places assignées ou possibles et, couronnant le tout, le Dieu ou le tenant lieu, c'est-à-dire  ce qui ne bougera pas, quoi qu'il arrive.

    Fini. C'est-à-dire : l'homme d'en bas sait, lui, que c'est fini ; que le formidable réseau qui couvre la planète et, qui donne aux humains de vertigineuses sensations de jouissance et de puissance, est un voile léger et fragile jeté sur un non moins formidable chaos.

    Vivre dans le chaos ! Savoir y dessiner un chemin, pouvoir y tenir debout, pouvoir n'y être pas seul, découvrir des principes de vie tellement primitifs et inentamables que la violence du chaos ne les défait pas.

    Avoir l'humilité de reconnaître qu'on peut s'être égaré, devoir tout reprendre. Avoir ce qu'on peut juger orgueil ou entêtement : une indéracinable volonté de s'affirmer vivant, au milieu des ouragans de la mort.

     

    Maurice BELLET

    La traversée de l'en-bas 

     


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  • Ste Marie de Villeneuve sur Yonne

     

     

    « Il me faudrait, dit la Vierge
    Qui fuyait avec Jésus,
    Il me faudrait, dit la Vierge,
    Des sabots pour mes pieds nus.

    Passe ton chemin, pauvresse,
    Lui cria-t-on d’une auberge ;
    Passe ton chemin, pauvresse,
    Et que le diable t’héberge !

    Mes pieds sont las, dit la Vierge
    Qui traversait un hameau ;
    Mes pieds sont las, dit la Vierge,
    Et je n’ai pas de sabots.

    Passe ton chemin, mendiante,
    Crièrent les animaux ;
    Passe ton chemin, mendiante,
    Et que le diable t’entende !

    Mes pieds saignent, dit la Vierge
    Qui passait près d’un ruisseau,
    Mes pieds saignent, dit la Vierge,
    Et je n’ai pas de sabots.

    Si ma fleur pouvait t’aider,
    Cria le petit lotier,
    Si ma fleur pouvait t’aider,
    Te l’offrirais volontiers.

    Et l’on vit la Sainte Vierge
    Sourire à l’enfant Jésus
    Et, s’asseyant sur la berge,
    D’un lotier, chausser ses pieds nus ».

    Maurice Carême

     

     

     

    Je souhaite à toutes les Marie, une fête douce et joyeuse.

     


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  • quelques fleurs (3)


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  • UN BOIS

     

    l'amant grave l'arbre de ses initiales, 

    de sa lame il trace un coeur.

    Mais le livre que j'écris sur mon cahier

    est cellulose tuée par une scie à moteur,

    la couverture est pulpe de conifère abattu.

    Ecrivain, plante un arbre pour chaque nouveau livre,

    redonne des feuilles en échange des pages.

    Un écrivain doit un bois au monde.

     

    Erri de Luca

    Aller simple


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  • EPREUVE

    Ce n'est pas la souffrance qui grandit, mais ce que nous en faisons. Je me méfie comme de la peste des discours qui justifient trop vite les épreuves. C'est oublier que la peine peut aigrir, tuer un coeur. 

    Pour ma part, l'infirmité, loin d'être un fardeau, peut devenir un fabuleux terrain d'exercice. Si je la sonsidère comme une corvée, je peux tout de suite me tirer une balle...

    Autant y voir un chemin possible vers la sagesse. Sans avoir pour autant à accepter en bloc le handicap, cette calamité, certains jours j'y découvre une chance pour devenir plus joyeux et plus libre. Et je vois clairement que, sans une paratique spirituelle, je suis mal barré.

    Bref, le handicap m'accule à l'urgence de me convertir et de prendre refuge au fond du fond, loin des étiquettes, du paraître, pour partir chaque jour à l'école.

     

    Alexandre JOLlIEN

    Abécédaire de la Sagesse (avec Christophe André et Matthieu Ricard)


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